COMPLEXITÉ ET "STYLISATION"
L'objet de ce papier est de construire des modèles évolutionnistes qui permettent de rendre compte des transformations de la technique et de la répartition. L'apparition d'innovations techniques est représentée comme un processus stochastique "local" et a priori neutre, ne favorisant ni les économies de capital, ni celles de travail. La sélection se fait selon un critère de profitabilité. Deux modèles sont proposés, qui soulignent deux aspects de la complexité du phénomène: un modèle à générations et un modèle de déséquilibre général dans lequel les marchés ne s'apurent pas. On montre que l'évolution de la répartition est responsable d'un biais technologique qui s'exprime dans la hausse du rapport capital-travail. On explique les profils très différents observés aux États-Unis dans les dernières décennies du XIXème siècle et dans les première et deuxième moitiés du XXème siècle, par une augmentation de la facilité d'innover dans la période intermédiaire, 1910-1950, qui se traduit par une accélération du progrès technique et une évolution particulièrement favorable de la répartition. Les modèles permettent une reconstruction très satisfaisante du profil des séries. On discute enfin certaines implications méthodologiques de cette perspective concernant la dépendance en fonction du chemin, l'irréversibilité des évolutions, l'opposition déterminisme-contingence, ainsi que le rôle de la complexité dans ces analyses.
COMPLEXITY AND STYLIZATION
The purpose of this paper is to build evolutionary models accounting for the transformations of technology and distribution. The emergence of technical innovations is represented as a stochastic "local" and, a priori neutral process, in which neither economies on capital or labor are favored. Selection is made on the basis of a profitability criterion. Two models are defined, which emphasize two distinct aspects of the complexity of economic phenomena: a vintage model and a general disequilibrium model in which markets do not clear. We demonstrate in this framework that the evolution of distribution is at the origin of a technical bias reflected in the rise of the capital-labor ratio. We explain the very different profiles observed in the US economy in the late 19th century and in the first and second halves of the 20th century by an increase in the easiness of innovation in the intermediate period, 1910-1950, mirrored in an exceptionally favorable evolution of distribution. The models allow for a very satisfactory reconstruction of the series. We finally discuss af few of the many methodological implications of this perspective concerning path-dependence, irreversibility, the trade-off determinism-contingency, as well as the role of complexity in these analyses.
G. Duménil, D. Lévy, "Complexity and Stylization: An Evolutionary Model of Technical Change in the US Economy, pp. 229-251", 1994, in R. Delorme, K. Dopfer, The Political Economy of Diversity: Evolutionary Perspectives on Economic Order and Disorder, Edward Elgar : Aldershot, England.