Pierre Malgrange est décédé le 13 mars 2020. Souhaitant rendre hommage à cet ami perdu, nous avons voulu associer son parcours à l’aventure que fut celle du développement de la modélisation macroéconomique en France.
Après une maîtrise en mathématiques obtenue à Orsay en 1964, Pierre suivit les enseignements du CEPE l’année universitaire 1966–1967. L’année est importante : en 1966 Philippe Herzog et Gaston Olive proposaient la première version de Zogol1, premier modèle macroéconomique français. En 1965 avait été créée la Direction de la Prévision.
Il y a plus de 50 ans, le monde des économistes bouillonnait. Les échos de la Crise des années 1930 étaient présents, associés aux peurs du chômage et de l’instabilité, alors même que le taux de chômage était très faible et que la croissance était là. Associée à ces échos la pensée de Keynes attirait. Des modèles de croissance néoclassiques étaient disponibles. La microéconomie apprenait à raisonner en termes d’équilibre, d’optimum, et suscitait en particulier l’émergence du calcul économique. Des réinterprétations du marxisme étaient en cours.
Mais avec le développement de la comptabilité nationale et de l’économétrie la construction de modèles estimés allait permettre de mieux comprendre et conseiller, de quantifier, de trancher. Ce programme en passionna beaucoup. Pierre s’y associa très tôt, au terme de sa formation. Il le fit dans le cadre du Cermap qui, réuni au Ceprel, devint le Cepremap. Il peut être intéressant de rappeler qu’alors il s’agissait du Centre d’études prospectives et d’économie mathématique associé à la planification. La densité de son parcours contraint à une sélection. Nous avons ici choisi d’en présenter quelques accents remarquables, représentatifs de ce qu’il fut, un économiste créatif, qui a accompagné le développement d’une profession en l’attirant le plus possible dans le camp de la rigueur.
Cet hommage a été écrit par Jean-Pierre Laffargue (jean-pierre.laffargue@orange.fr) et Pierre Morin (pmreco@sfr.fr). Ils tiennent à remercier Raouf Boucekkine et Guy de Monchy pour leurs réactions très constructives à une première version de ce texte.