En avril, lâINSEE a publiĂ© un panorama positionnant la France par rapport aux autres pays de lâUnion europĂ©enne sur une vaste gamme dâindicateurs objectifs. Nous mettons ici ces indicateurs en regard de lâĂ©valuation subjective de situation par les Français et par les habitants des autres pays de lâEurope ou de lâOCDE.
En balayant un vaste ensemble dâindicateurs, nous mettons Ă nouveau en Ă©vidence une forme de pessimisme et de mal-ĂȘtre français. Les Ă©valuations que donnent les Français de leur situation sont presque toujours plus sombres que ce que voudrait le positionnement du pays sur des mĂ©triques objectives. Cet Ă©cart est rĂ©vĂ©lateur des craintes comme des aspirations des Français. Ă bien des Ă©gards, la France est proche des moyennes europĂ©ennes, souvent un peu en retrait dans les dimensions Ă©conomiques par rapport Ă ses voisins du nord, lâAllemagne constituant un point de comparaison quasi-systĂ©matique, mais mieux situĂ©s que ses voisins du sud, Espagne et Italie en tĂȘte.
La faible dynamique de lâĂ©conomie française depuis 2008 joue certainement un rĂŽle dans le pessimisme des Français, qui ont lâimpression de voir leur pays faire du sur-place, tandis que dâautres progressent ou rebondissent. Cependant, le phĂ©nomĂšne touche aussi des dimensions Ă lâĂ©volution plus lente, comme le sentiment dâĂȘtre en bonne santĂ© ou la confiance interpersonnelle.
Auteur :
Mathieu Perona, directeur exĂ©cutif de lâObservatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap
Introduction
Depuis cinq mois, la crise des Gilets jaunes a tournĂ© la France sur elle-mĂȘme, Ă la recherche dâexplications de cette flambĂ©e de colĂšre. Nous avons nous-mĂȘmes contribuĂ© Ă cette entreprises par nos notes « Qui sont les Gilets jaunes et leurs soutiens »1 et « La France malheureuse »2. Il nous a paru temps de prendre un peu de recul, en examinant la situation de la France au regard dâautres pays, tantĂŽt ceux de lâUnion europĂ©enne, tantĂŽt ceux de lâOCDE. Sur un grand nombre de dimensions objectives, le panorama de lâINSEE « La France dans lâUnion europĂ©enne »3 brosse un portrait comparatif exhaustif de la place de la France par rapport au reste de lâUnion. Nous proposons dans cette note de mettre en regard de tels Ă©lĂ©ments objectifs les Ă©valuations subjectives que donnent de leur situation les habitants de ces pays.
De la confrontation de ces Ă©lĂ©ments Ă©merge un Ă©cart, entre un contexte objectif gĂ©nĂ©ralement plutĂŽt favorable de la France par rapport Ă ses voisins, et une Ă©valuation subjective par les Français qui positionne souvent la France en milieu de tableau. Une partie de ce dĂ©calage sâexplique par le fait que les Ă©valuations subjectives sont dĂ©pendantes non seulement de la comparaison avec les autres, mais aussi des comparaisons dans le temps : le faible dynamisme de lâĂ©conomie française sur la derniĂšre dĂ©cennie contraste avec des trajectoires post-crise de rebond plus marquĂ© dans dâautres pays europĂ©ens. Toutefois, nous observons Ă©galement ce dĂ©calage sur des mĂ©triques Ă lâĂ©volution plus lente, comme la sensation dâĂȘtre en bonne santĂ©, ou la confiance.
Cet exercice se rapproche, et partage de nombreuses donnĂ©es, avec lâindex Comment va la vie (Better Life Index) de lâOCDE ainsi quâavec la comparaison internationale rĂ©alisĂ©e par lâOffice of National Statistics dans le cas du Royaume-Uni4.
Les sources de donnĂ©es que nous mobilisons pour cette note sont variĂ©es (voir les Annexes pour une description dĂ©taillĂ©e), et peuvent diffĂ©rer dans leur couverture gĂ©ographique ou leur frĂ©quence. Le groupe de pays servant de comparaison nâest donc pas nĂ©cessairement le mĂȘme dâune dimension Ă lâautre, mĂȘme si les pays de lâUnion europĂ©enne en constituent systĂ©matiquement le cĆur.
Bien-ĂȘtre subjectif
Comme dans notre Tableau de bord, nous envisageons ici le bien-ĂȘtre subjectif, mesurĂ© au niveau des individus, sous les quatre composantes qui forment le socle des Ă©tudes et comparaisons internationales : la satisfaction dans la vie, le sentiment que la vie a du sens, le fait de se sentir heureux et la santĂ© mentale.

En termes de satisfaction dans la vie (Figure 1), nous positionnons la France par rapport aux autres pays de lâUnion europĂ©enne, Ă laquelle nous avons ajoutĂ© les proches voisins que sont la Suisse et la NorvĂšge, ainsi que les Ătats-Unis et le Japon. La France est dans cette dimension proche de la moyenne5, en retrait par rapport aux pays du nord de lâEurope, mais au-dessus des pays du sud et de lâest.
RĂ©alisĂ©e en 2016, la derniĂšre vague en date de lâEuropean quality of life survey trouvait que 77 % des Français interrogĂ©s Ă©taient en accord avec lâidĂ©e que leur vie a du sens et Ă©valuaient en moyenne leur sentiment de bonheur Ă 7,5 sur une Ă©chelle de 0 Ă 10. Dans ces deux dimensions, la France est Ă nouveau proche de la moyenne europĂ©enne (78 % et 7,4 respectivement). Sâil nây a pas de grand chamboulement, la hiĂ©rarchie des pays diffĂšre cependant dâune mesure Ă lâautre. Par exemple, les Allemands sont en moyenne plus satisfaits de leur vie que les Français (score de 7,1), mais trĂšs proches en ce qui concerne le sentiment de sens de leur vie ou de bonheur.
Dans la mĂȘme enquĂȘte, la santĂ© mentale est Ă©valuĂ©e par un score de 0 % Ă 100 %, construit sur cinq indicateurs (sensations dâĂȘtre joyeux, calme, actif, reposĂ© et intĂ©ressĂ©). Selon ce baromĂštre, la France ressort avec un score de 66,5 %, supĂ©rieur Ă la moyenne europĂ©enne (64 %), et devant la SuĂšde ou lâAllemagne.
La comparaison directe des niveaux de bien-ĂȘtre subjectif fait ainsi apparaĂźtre la France Ă un rang attendu, Ă la charniĂšre entre les pays du nord dâune part, et ceux du sud et de lâest dâautre part.
Nos relations
Il existe une forte relation entre le bien-ĂȘtre individuel et la qualitĂ© de nos relations sociales. TrĂšs liĂ©es au mal-ĂȘtre, des relations sociales dĂ©gradĂ©es vont souvent de pair avec un sentiment de solitude plus prononcĂ©, et lâimpression dâun dĂ©litement du tissu social local.

La France fait effectivement partie des cinq pays dâEurope ayant la plus forte proportion de rĂ©pondants qui dĂ©clarent se sentir seuls tout le temps ou la plupart du temps (Figure 2)6. Contrairement aux reprĂ©sentations courantes, la solitude nâest pas un problĂšme circonscrit aux personnes ĂągĂ©es, mais touche toutes les tranches dâĂąge et la plupart des milieux sociaux7. La prise de conscience des consĂ©quences nĂ©gatives de la solitude sur la santĂ© physique et mentale a ainsi conduit le Royaume-Uni Ă en faire une mission au niveau dâun ministĂšre â et ce alors que le sentiment de solitude y est comparable Ă la moyenne de lâOCDE, Ă 6 % de la population.
ParallĂšlement, 88 % des Français affirment avoir des proches (amis, famille) sur qui compter en cas de difficultĂ©8 (moyenne OCDE : 89%), ce qui conforte lâimage dâau moins un Français sur dix isolĂ© des rĂ©seaux essentiels de sociabilitĂ©9.
Santé
Entre 2000 et 2016, lâespĂ©rance de vie en bonne santĂ© Ă la naissance a progressĂ© de trois ans en France selon lâOrganisation mondiale de la SantĂ©10. Un garçon nĂ© en 2016 vivra en moyenne en bonne santĂ© jusquâĂ 72 ans, et une fille jusquâĂ 75 ans. La situation sâamĂ©liore aussi pour les seniors, qui peuvent espĂ©rer rester en bonne santĂ© jusquâĂ 80 ans en moyenne11, soit deux ans de plus quâen lâan 2000.
Selon les chiffres de lâOCDE12, deux tiers des Français estiment ĂȘtre en bonne ou en trĂšs bonne santĂ©, une proportion confirmĂ©e par les enquĂȘtes de lâINSEE, et globalement stable depuis 2010.

La Figure 3 illustre toutefois que cette apprĂ©ciation comporte une trĂšs forte dimension culturelle. Alors que les Ătats-Unis sont en bas du tableau en ce qui concerne lâespĂ©rance de vie en bonne santĂ© (68,5 ans Ă la naissance), ils comptent la plus forte proportion de personnes se pensant en bonne ou en trĂšs bonne santĂ©, et inversement pour le Japon. Sur ce plan, les Français ont une opinion un peu plus nĂ©gative de leur santĂ© que les autres pays europĂ©ens Ă lâespĂ©rance de vie similaire.
En termes de santĂ© mentale, lâOrganisation Mondiale de la SantĂ©13 estime que 4,8 % des Français souffrent de troubles dĂ©pressifs, et 6,2 % de troubles anxieux. Ces estimations placent la France parmi les pays de lâOCDE relativement peu touchĂ©s par la dĂ©pression, mais parmi les plus affectĂ©s par les troubles anxieux.
Activité
Nous avons montrĂ© dans de prĂ©cĂ©dents travaux14 la place quâoccupait lâemploi dans le bien-ĂȘtre des Français. Avec un taux de chĂŽmage harmonisĂ© (au sens de lâOCDE) Ă 9,4 %, la France fait partie des pays les plus touchĂ©s de lâUnion EuropĂ©enne.

Ce classement Ă©volue relativement peu si on regarde, ainsi que le fait lâINSEE, le sous-emploi et le halo du chĂŽmage : la France se positionne en septiĂšme position de lâUnion en termes de sous-utilisation de sa main-dâĆuvre potentielle. Chypre, la Croatie et la Finlande viennent. sâintercaler entre la France et le trio GrĂšce, Espagne et Italie.
La relation entre taux de chĂŽmage, quelle quâen soit la mĂ©trique, et satisfaction dans lâemploi15 nâest pas claire a priori. Un fort taux de chĂŽmage peut obliger des personnes Ă rester dans des emplois qui ne leur conviennent pas, tandis quâun chĂŽmage faible dans un marchĂ© du travail peu protecteur peut conduire Ă prendre un emploi mal adaptĂ© en termes de qualification, de temps ou de localisation. Sur la Figure 4, on voit apparaĂźtre le premier effet en Espagne et en Italie, tandis que la France partage un niveau moyen de satisfaction au travail, mais Ă©quivalent Ă celui de pays dont le taux de chĂŽmage est nettement plus faible, comme le Royaume-Uni ou la RĂ©publique TchĂšque.
En dĂ©pit des discours nĂ©gatifs sur le recours aux travailleurs dĂ©tachĂ©s, lâEurobaromĂštre montre que 69 % des Français pensent que la possibilitĂ© offerte aux ressortissants de lâUnion europĂ©enne de travailler en France est une bonne chose (moyenne europĂ©enne 72%)16.
En-dehors du travail, les Français sont 7 % Ă sâengager rĂ©guliĂšrement dans des activitĂ©s caritatives17, une proportion Ă©quivalente Ă la moyenne europĂ©enne. Ils sont 37 % Ă visiter rĂ©guliĂšrement des musĂ©es, monuments ou sites historiques18, ce qui les place en septiĂšme position de lâUnion. Avec 42 % des rĂ©pondants19 pratiquant une activitĂ© physique assez rĂ©guliĂšrement, la France fait un peu mieux que la moyenne europĂ©enne. Ell reste en retrait de pays comme le Danemark (63%) ou la Finlande (69%), mais fait beaucoup mieux que la Roumanie (19 %) ou la Bulgarie (16%).
Cadre de vie et logement
LâinsĂ©curitĂ© constitue une des prĂ©occupations principales exprimĂ©es par les Français. Pour autant, ils sont pratiquement 70 % Ă dire se sentir en sĂ©curitĂ© quand ils marchent seuls de nuit dans leur quartier20, un chiffre lĂ©gĂšrement plus Ă©levĂ© que la moyenne europĂ©enne. Nous avons montrĂ© que cette proportion cache toutefois des disparitĂ©s importantes en fonction du genre et des revenus des rĂ©pondants21. Comme nous le montrions Ă©galement, cette sensation nâest pas directement liĂ©e aux indicateurs objectifs de criminalitĂ©.
ParallÚlement, et sans doute est-ce un reflet du faible niveau de confiance interpersonnelle en France22, seuls 60 % des Français se sentent proches des personnes vivant dans leur quartier, une proportion qui varie en Europe entre 54 % (Allemagne) et 83 % (Lettonie).
En termes de satisfaction vis-Ă -vis du logement, la France se situe dans la moyenne europĂ©enne, avec un score moyen de 7,6 sur une Ă©chelle de 0 Ă 10 (pour une moyenne de 7,7)23, devant les pays du sud de lâEurope, mais derriĂšre ses voisins du nord et de lâest. Pourtant, le panorama de lâINSEE montre que la part de Français vivant dans des logements surpeuplĂ©s et inconfortables est infĂ©rieure Ă la moyenne europĂ©enne. De maniĂšre plus Ă©tonnante, la part des mĂ©nages propriĂ©taires est basse en France, avec seulement trois Ă cinq pays de lâUnion comptant une part plus faible24.
Revenu et niveau de vie
Le systĂšme social français demeure lâun des plus protecteurs dâEurope. DâaprĂšs Eurostat, 13,3 % des Français vivaient en 2017 sous le seuil de pauvretĂ© relative25, contre une moyenne europĂ©enne de 16,9 %, avec des taux supĂ©rieurs Ă 20 % en Italie, Espagne et GrĂšce, et de 16,1 % en Allemagne.

Le revenu mĂ©dian ajustĂ© du pouvoir dâachat est relativement Ă©levĂ©26, Ă la 6e place de lâUnion, avec un revenu mĂ©dian par unitĂ© de consommation27 de lâordre de 20 000 âŹ28, tandis que la France occupe la 13e place en termes de PIB par habitant. Comme le montre la Figure 5, le revenu mĂ©dian en Europe se comporte comme un logarithme du PIB par habitant du pays29.
Le positionnement de la France au-dessus de la diagonale indique que le revenu mĂ©dian y est supĂ©rieur Ă la relation moyenne entre richesse nationale et ce revenu mĂ©dian. Il sâagit donc dâun pays, oĂč, comparativement, une part plus importante de la richesse revient aux classes moyennes, par rapport au reste de lâUnion.
Nous avons vu que de nombreux Français sont inquiets de leur situation financiĂšre. Selon les donnĂ©es Eurostat, ils Ă©taient en 2017 un peu plus de 18 % Ă estimer avoir des difficultĂ© Ă boucler leur budget30. Cette proportion plaçait la France en 11e position de lâUnion, derriĂšre des pays en majoritĂ© plus riches, et loin de la GrĂšce (77 %) ou de la Bulgarie (58 %). Ă lâautre extrĂ©mitĂ© toutefois, les Français nâĂ©taient dans lâEurobaromĂštre du printemps 201831 que 6 % Ă estimer que la situation financiĂšre de leur mĂ©nage Ă©tait trĂšs bonne, contre une moyenne europĂ©enne de 12 %. Cette proportion est plus comparable Ă celles observĂ©es dans les pays de lâest et du sud de lâEurope quâĂ nos voisins du nord.
Formation et compétences
LâenquĂȘte PIAAC de lâOCDE a mis en Ă©vidence depuis un certain temps les dĂ©ficiences de la France en termes de compĂ©tences de sa force de travail. Le retard par rapport Ă la moyenne de lâOCDE est particuliĂšrement marquĂ© pour les gĂ©nĂ©rations les plus anciennes (55 â 65 ans) et pour les moins qualifiĂ©s, qui ont un accĂšs restreint Ă la formation professionnelle. Or, dans la population française entre 24 et 65 ans, 21,6 % ont un diplĂŽme qui ne dĂ©passe pas le Brevet des collĂšges32, et sont donc particuliĂšrement Ă risque. La dynamique actuelle ne va pas contribuer significativement Ă la rĂ©duction de cette proportion, puisque 20,7 % des jeunes de 20 Ă 24 ans33 ne sont ni en emploi, ni en cours dâĂ©tudes34. Au regard de la stratĂ©gie europĂ©enne « Ăducation et formation », lâINSEE rappelle que la France a dĂ©jĂ atteint ses objectifs en termes de formation des adultes, de part des 30-34 ans diplĂŽmĂ©s du supĂ©rieur, de limitation des sorties prĂ©coces et dâenseignement prĂ©-Ă©lĂ©mentaire, mais reste en retrait de ce qui est attendu dâelle en termes de compĂ©tences, quâil sâagisse de comprĂ©hension de lâĂ©crit, de mathĂ©matiques ou de culture scientifique.
Si la proportion de personnes dâĂąge actif et peu qualifiĂ©e est en ligne avec la moyenne de lâOCDE, cette derniĂšre est fortement influencĂ©e par des pays oĂč la gĂ©nĂ©ralisation du secondaire long et de lâenseignement supĂ©rieur a Ă©tĂ© tardive (Turquie, Mexique, Portugal, avec des taux supĂ©rieurs Ă 50%), mais aussi de lâautre cĂŽtĂ© par des pays oĂč les Ă©tudes jusquâau niveau baccalaurĂ©at sont la norme (seuls 0,5 % des Japonais ont arrĂȘtĂ© avant). LâAllemagne fait significativement mieux en ce domaine, avec un taux de 13,5 %. Pour les jeunes actuels en revanche, le taux de jeunes sans occupation place la France dans les derniers rangs europĂ©ens, derriĂšre seulement la GrĂšce, lâEspagne et lâItalie, et avec un Ă©cart de 5 point par rapport Ă la moyenne de lâOCDE (15,6 %).
Confiance et institutions
Comme nous lâavons soulignĂ© dans des travaux antĂ©rieurs35, la France est un des pays europĂ©ens oĂč la confiance interpersonnelle est la plus faible, ainsi que lâillustre la Figure 636.
Cette dĂ©fiance interpersonnelle ne se traduit cependant pas par une dĂ©fiance particuliĂšre Ă lâĂ©gard des institutions37.

LâarmĂ©e ou la police continuent de bĂ©nĂ©ficier de taux de confiance Ă©levĂ©s (80 % pour la premiĂšre), et plus de la moitiĂ© (55 %) des rĂ©pondants Ă lâEurobaromĂštre de novembre 2018 font confiance Ă lâadministration publique, ce qui est mieux que la moyenne europĂ©enne. La confiance dans le systĂšme judiciaire est en revanche en retrait par rapport Ă la moyenne.

La pĂ©riode de collecte des opinions de cet EurobaromĂštre explique en partie le trĂšs faible score de confiance dans le Parlement et dans le gouvernement â en novembre 2017, ces Ă©valuations Ă©taient plus proches de la moyenne europĂ©enne. LâUnion europĂ©enne elle-mĂȘme nâinspire pas beaucoup confiance, avec Ă peine un tiers des rĂ©pondants qui lui accordent leur confiance, contre 42 % au niveau de lâUE dans son ensemble.
Pour autant, les opinions franchement eurosceptiques restent minoritaires en France. Seuls 27 % des Français interrogĂ©s pour lâEurobaromĂštre de mars 201738 pensaient que la France serait dans une meilleur situation si elle sortait de lâUnion (Figure 8). Câest moins que la moyenne europĂ©enne (30 %), et place la France en 13e position des pays oĂč cette idĂ©e est la moins partagĂ©e.

Dans la mĂȘme vague de lâEurobaromĂštre, les Français nâĂ©taient que 53 % Ă ĂȘtre satisfaits du fonctionnement de la dĂ©mocratie dans leur pays[EurobaromĂštre 89, question QA17a.], en-dessous dâune moyenne europĂ©enne Ă 56 %, mais qui cache des disparitĂ©s importantes, puisque les rĂ©ponses vont de 23 % (GrĂšce) Ă 90 % (Danemark).
Environnement
En termes dâenvironnement naturel, la France a classĂ© plus du quart de son territoire en espaces protĂ©gĂ©s39, ce qui la place en bonne position parmi les pays europĂ©ens. Dans le domaine des gaz Ă effet de serre, la France a Ă©mis 6,9 tonnes dâĂ©quivalent CO2 en 2016, moins que la moyenne europĂ©enne de 9,4 tonnes (Figure 9)40.
Par rapport Ă ses voisins, la plus faible intensitĂ© carbone de la France provient pour partie de la part du nuclĂ©aire dans ses sources dâĂ©nergie â un sujet dont on sait quâil divise lâopinion publique. La part des Ă©nergies renouvelables (9,8 % en 2017) est pratiquement Ă©gale Ă la moyenne europĂ©enne (10,2 %).
Avec un taux de recyclage de 42 %, la France est également dans la moyenne européenne41.
Avec 10 % des rĂ©pondants Ă lâEurobaromĂštre42 qui placent lâenvironnement parmi les deux principaux problĂšmes auxquels fait face leur pays, les Français sont en septiĂšme position en Europe, derriĂšre les pays nordique, les Pays-Bas, la Belgique et lâAllemagne. Ce palmarĂšs montre que la relation entre les Ă©missions de gaz Ă effet de serre et la prioritĂ© donnĂ©e aux questions environnementales est assez faible.

Il en va de mĂȘme si, plutĂŽt que les gaz Ă effet de serre, on considĂšre une pollution dont les effets sur la santĂ© sont plus immĂ©diats, les particules fines43 (Figure 10)44 : la part des rĂ©pondants donnant la prioritĂ© aux questions environnementales est peu liĂ©e Ă lâexposition Ă ces particules.

Lâexposition moyenne des Français aux particules fines est lĂšgĂšrement en-dessous de la moyenne europĂ©enne, similaire Ă celle de lâAllemagne ou de lâEspagne.
Vision de lâavenir
Nous avons rĂ©guliĂšrement relevĂ© que les Français sont gĂ©nĂ©ralement peu optimistes, et que lâavenir leur apparaĂźt plus souvent menaçant que plein de promesse. La comparaison avec les autres pays, au moyen de lâEurobaromĂštre, confirme quâil sâagit lĂ dâun trait national fort. Ă la question « Avez-vous confiance en lâavenir ? »45, les Français sont Ă peine plus de la moitiĂ© (58 %) Ă rĂ©pondre positivement, contre 69 % des EuropĂ©ens en moyenne, plaçant la France Ă la cinquiĂšme position des pays les plus pessimistes.

Les choses sont pires lorsquâon leur demande comment sera la vie de ceux qui sont enfants aujourdâhui46. La France est le troisiĂšme pays le plus pessimiste sur ce point, avec 68 % de rĂ©ponses « Plus difficile », contre 51 % au niveau europĂ©en (Figure 11).
Par rapport aux autres EuropĂ©ens, les Français se distinguent donc par une vision particuliĂšrement sombre de lâavenir, quâil sâagisse de leur avenir en gĂ©nĂ©ral ou de lâavenir collectif des enfants dâaujourdâhui dans lâUnion.
Enjeux politiques
Ce tour dâhorizon, nĂ©cessairement incomplet, peint le portrait dâune France assez bien positionnĂ©e dans les mĂ©triques objectives comme lâespĂ©rance de vie ou les revenus, avec deux points faibles, le chĂŽmage et la part des personnes, jeunes compris, sans qualification. Sur les Ă©lĂ©ments subjectifs, lâapprĂ©ciation des Français est souvent comparable Ă la moyenne europĂ©enne, en dĂ©pit donc dâune situation matĂ©rielle souvent plus favorable. Les Français expriment surtout une opinion particuliĂšrement nĂ©gative pour toutes les dimensions relevant du lien social, allant de la confiance interpersonnelle Ă la solitude, en passant par la confiance dans les institutions ou leur vision de lâavenir.
En mettant en premiĂšre place des difficultĂ©s auxquelles fait face leur pays, les Français ont en novembre dernier47 (Figure 12) mis logiquement en premier la question du chĂŽmage, qui est effectivement un point faible du pays, et en deuxiĂšme le coĂ»t de la vie. Sur ces deux dimensions, ils sont beaucoup plus inquiets que la moyenne des europĂ©ens. En revanche, lâimmigration, principal sujet de prĂ©occupation au niveau de lâUnion, nâarrive quâen cinquiĂšme position en France, derriĂšre la menace terroriste et lâenvironnement.

Le questionnaire ne comprenant malheureusement pas de question directement relative à la confiance sociale, nous ne pouvons pas mesurer à quel point les Français sont conscients du déficit de confiance et de lien que nous observons dans ces comparaisons.
Annexes
Sources de données
EnquĂȘtes europĂ©ennes sur la qualitĂ© de vie (European Quality of Life Surveys)
Les EnquĂȘtes europĂ©ennes sur la qualitĂ© de vie sont conduites tous les quatre ans depuis 2003 (2016 est donc la derniĂšre vague en date). Elles recueillent une information harmonisĂ©e sur les conditions de vie objectives de citoyens europĂ©ens et et sur la perception qu’ils ont de leurs conditions de vie, de leur environnement proche et de leur vie en gĂ©nĂ©ral. LâĂ©chantillon comprend entre 1 000 et 2 000 personnes par pays.
EurobaromĂštre
LâEurobaromĂštre est une enquĂȘte dâopinion conduite tous les six mois depuis 1973 pour le compte de la Commission europĂ©enne. Elle porte essentiellement sur lâopinion quâont les europĂ©ens de lâUnion, de son action et des enjeux, nationaux comme europĂ©ens. Lors de chaque vague, lâenquĂȘte interroge approximativement 1 000 personnes dans chaque pays. Nous avons utilisĂ© les vagues 89 (Mars 2018) et 90 (Novembre 2018) dans cette note.
Eurostat
Eurostat, une direction gĂ©nĂ©rale de la Commission europĂ©enne, est chargĂ©e de produire une information statistique officielle Ă lâĂ©chelle de lâUnion europĂ©enne. Elle procĂšde le plus souvent par harmonisation et agrĂ©gation des travaux menĂ©s par les instituts statistiques officiels des pays membres ou associĂ©s (lâINSEE en France). Pour cette note, nous avons utilisĂ© le PIB/habitant (volume chaĂźnĂ©s, base 2010) et le revenu mĂ©dian en Ă©quivalent pouvoir dâachat.
European Social Survey
LâEuropean Social Survey est une infrastructure de recherche europĂ©enne qui conduit tous les deux ans une enquĂȘte sur les attitudes, croyances, avis et comportements des europĂ©ens. LâĂ©chantillon compte 800 personnes pour les pays de moins de 3 millions dâhabitants, au moins 1 500 personnes par pays pour les autres. Dans les travaux relatifs au bien-ĂȘtre subjectif, lâESS est souvent mobilisĂ© car elle est une des rares enquĂȘtes europĂ©ennes harmonisĂ©es Ă poser des questions sur la confiance interpersonnelle (notre Figure 6).
Gallup World Poll
Le Gallup World Poll est une enquĂȘte conduite depuis 2005 par lâinstitut Gallup sur 160 pays, qui rassemblent plus de 99 % de la population adulte du monde. Il sâagit dâune enquĂȘte large, avec une centaine de questions communes et des modules spĂ©cifiques par pays ou zones gĂ©ographiques. Dans la plupart des pays, environ un millier de personnes sont interrogĂ©es. Cette enquĂȘte est trĂšs largement utilisĂ©e dans les travaux rĂ©alisant des comparaisons internationales au-delĂ dâune zone gĂ©ographique institutionnellement homogĂšne, car câest lâune des rares enquĂȘtes a disposer dâune telle couverture. Elle sert en particulier de fondement au World Happiness Report, publiĂ© annuellement sous lâĂ©gide de lâONU. LâaccĂšs aux donnĂ©es du Gallup World Poll est soumise Ă un abonnement, mais les agrĂ©gats utilisĂ©s dans le World Happiness Report sont en libre accĂšs.
Organisation de coopération et de développement économiques
LâOCDE a succĂ©dĂ© en 1960 Ă lâOECE, qui avait Ă©tĂ© créée pour assurer la mise en Ćuvre du Plan Marshall de reconstruction en Europe. LâOCDE joue aujourdâhui le rĂŽle dâun institut dâĂ©tudes Ă©conomiques portant sur un ensemble de pays dĂ©veloppĂ©s caractĂ©risĂ©s par une Ă©conomie de marchĂ© et un fonctionnement dĂ©mocratique. LâOCDE publie un vaste Ă©ventail de statistiques harmonisĂ©es permettant des comparaisons entre les pays membres.
Organisation Mondiale de la Santé
LâOrganisation Mondiale de la SantĂ© est une institution spĂ©cialisĂ©e de lâONU. Parmi ses missions, son Observatoire mondial de la santĂ© publie de nombreux jeux de donnĂ©es harmonisĂ©es au niveau mondial sur les sujets de santĂ©. Nous en avons extrait lâespĂ©rance de vie en bonne santĂ© utilisĂ©e dans la Figure 3.
Bibliographie
- Algan, Yann et Cahuc, Pierre, La SociĂ©tĂ© de dĂ©fiance : comment le modĂšle social français sâautodĂ©truit, Paris, Rue dâUlm et Cepremap, coll. Opuscules, no9, 2007
- Algan, Yann, Beasley, Elizabeth, Senik, Claudia, Les Français, le bonheur et lâargent, Paris, Rue dâUlm et Cepremap, coll. Opuscules, no46, 2018
- Esther Raineau-Rispal et Mathieu Perona, « Les Femmes et le sentiment dâ(in)sĂ©curitĂ© », Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap , n°2018-04, 06 juin 2018.
- Fondation de France, Jeunes et sans amis : quand la solitude frappe les 15-30 ans, étude réalisée par le Credoc, Septembre 2017, https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/solitudes_jeunes_2017_rapport_complet.pdf
- INSEE, « La France dans lâUnion EuropĂ©enne, Ădition 2019 », dir. Anne-Sophie Cousteaux, INSEE RĂ©fĂ©rences, 16 avril 2019
- Laura Leker, « Emploi et bien-ĂȘtre », Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap, n°2016-03, 20/06/2016
- ONS, « Measuring national well-being in the UK: international comparisons, 2019 », 06 Mars 2019
- What Works Wellbeing, « Loneliness », consulté le 2019-04-02, https://whatworkswellbeing.org/loneliness/
- Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen, Martial Foucault, Madeleine PĂ©ron, « Qui sont les Gilets jaunes et leurs soutiens ? », Observatoire du Bien-ĂȘtre du CEPREMAP et CEVIPOF , n°2019-03, 14 FĂ©vrier 2019
- Mathieu Perona, « La France Malheureuse », Observatoire du Bien-ĂȘtre du CEPREMAP , n°2019-01, 14 FĂ©vrier 2019
- « La France dans lâUnion europĂ©enne, Ădition 2019 », dir. Anne-Sophie Cousteaux, INSEE RĂ©fĂ©rences, 16 avril 2019
- « Measuring national well-being in the UK: international comparisons, 2019 », ONS, 06 Mars 2019
- Nous considĂ©rons la moyenne 2017 â 2019 (donnĂ©es 2016 â 2018) afin de limiter lâeffet des variations dâune annĂ©e Ă lâautre. Les donnĂ©es proviennent du World Happiness Report, qui mobilise le Gallup World Poll.
- Question de lâEuropean Social Survey. Vue dĂ©taillĂ©e sur le site dâEurofound.
- On trouvera de nombreux Ă©lĂ©ments sur ce point dans le dossier du What Works Wellbeing « Loneliness ». La Fondation de France avance que 6 % des 15-30 ans souffrent dâisolement en France.
- Les donnĂ©es proviennnent du Gallup World Poll, question Quality of network support. Elles sont mises Ă disposition par lâOCDE qui les utilise dans la construction de son Better Life Index.
- Comme nous le rappelons dans la section sur les sources de donnĂ©es, les enquĂȘtes utilisĂ©es portent essentiellement sur des mĂ©nages classiques. Elles excluent donc par construction certains publics fragiles (personnes sans domicile fixe, hĂ©bergement en foyer, etc.). Ces estimations constituent donc une borne basse de la part des personnes en situation dâisolement social.
- Espérance de vie en bonne santé (HALE), OMS.
- On considĂšre ici lâespĂ©rance de vie en bonne santĂ© conditionnellement au fait dâavoir atteint lâĂąge de 60 ans.
- Les donnĂ©es de santĂ© subjectives sont agrĂ©gĂ©es par lâOCDE (table) Ă partir dâun ensemble dâenquĂȘtes nationales. Pour lâEurope, la source est le dispositif EU-SILC tel que publiĂ© par Eurostat, sĂ©rie hlth_silc_01.
- Source des données : Rapport Depression and OtherCommon Mental Disorders Global Health Estimates.
- Laura Leker, « Emploi et bien-ĂȘtre », Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap, n°2016-03, 20/06/2016
- MesurĂ©e par lâEuropean Quality of Life Survey, vue dĂ©taillĂ©e.
- EurobaromĂštre 89, question QB5.4.
- European Quality of Life Survey, vue détaillée.
- EurobaromÚtre dédié no466, Cultural Heritage, 2017.
- EurobaromÚtre dédié no472, Sport and physical activity, 2017.
- Données OCDE issues du Gallup World Poll, mises à disposition dans les indicateurs du Better Life Index.
- Voir notre note par Esther Rainea-Rispal et Mathieu Perona, « Les Femmes et le sentiment dâ(in)sĂ©curitĂ© », Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap , n°2018-04, 06 juin 2018.
- Voir Y. Algan et P. Cahuc, La SociĂ©tĂ© de dĂ©fiance, Rue dâUlm et CEPREMAP
- European Quality of Life Survey, 2016, vue détaillée.
- Les donnĂ©es sont manquantes pour trois pays â Allemagne, Irlande et SuĂšde â quâil est donc impossible de positionner.
- Le seuil de pauvreté relative correspond à un revenu disponible (aprÚs impÎts et prestations sociales) inférieur à 60 % du revenu médian du pays.
- Données Eurostat, issues du dispositif EU-SILC, série ilc_di03.
- Le revenu par unitĂ© de consommation correspond au revenu disponible, divisĂ© par le nombre dâunitĂ©s de consommation dans le mĂ©nage (une par adulte, 0,5 pour les enfants de plus de 14 ans, 0,3 pour les moins de 14 ans).
- Le revenu est ici exprimĂ© dans une unitĂ© arbitraire reflĂ©tant les Ă©carts de pouvoir dâachat entre pays.
- Données Eurostat, série sdg_08_10.
- Données Eurostat, issues du disposif EU-SILC, série ilc_mdes09.
- EurobaromĂštre 89, question QA1a.5.
- OECD (2019), Adult education level (indicator).
- Séries OCDE, Education at a Glance.
- On utilise le concept de NEET (Not in Employement nor in Education or Training) afin de neutraliser partiellement les diffĂ©rences de structure dans les systĂšmes et les pratiques Ă©ducatives. Il sâagit de la proportion de jeunes qui ne sont pas inscrits dans des Ă©tudes, nâont pas dâemploi et ne sont pas en apprentissage.
- Voir les Opuscules du Cepremap La SociĂ©tĂ© de dĂ©fiance et Les Français, le Bonheur et lâargent.
- European Social Survey, Round 8, Edition 2.1.
- EurobaromĂštre 90, questions QA8a.3 Ă QA8a.6 et QA8a.8 Ă QA8a.10.
- EurobaromĂštre 89, question QA18a.5
- Au sens des objectifs du millénaire des Nations-Unies.
- Données OCDE, série AIR_GHG.
- Source OCDE, série MUNW.
- EurobaromĂštre 89, question QA3a.
- Ici, il sâagit des particules dâun diamĂštre infĂ©rieur Ă 2,5”m, dites PM 2,5, dont la toxicitĂ© pour la santĂ© humaine est la mieux documentĂ©e.
- DonnĂ©es de lâEuropean Environment Agency, sĂ©rie Eurostat sdg_11_50.
- EurobaromĂštre 89 , question QD9.6.
- EurobaromĂštre 89, question QF4.
- EurobaromĂštre 90, question QA3a.