Note de l’Observatoire du Bien être n°2017-01 : 4 points sur le bien-être des Français

Un module « Bien-être des ménages » intégré à l’enquête Camme de l’Insee a été mis en place dans le cadre d’un partenariat entre l’Insee et l’Observatoire du Bien-être du Cepremap.  S’il faudra attendre plusieurs vagues pour en analyser les évolutions, les deux premières enquêtes mettent déjà en évidence quatre points saillants de la perception que les enquêtés ont de leur bien-être :

  1. Un fort pessimisme quant à l’avenir de la France ;
  2. Une profonde insatisfaction sur les dimensions économiques ;
  3. Une relative satisfaction quant à la situation et aux perspectives individuelles ;
  4. La nostalgie d’un passé perçu comme plus heureux.

Ainsi, le contexte économique et, plus globalement l’avenir de la prochaine génération les inquiètent bien plus que leur propre situation personnelle.

Auteurs :

Yann Algan, doyen de l’École d’Affaires Publiques (EAP) et Professeur d’économie à Sciences Po.

Elizabeth Beasley, chercheuse à l’Observatoire du Bien-être du Cepremap

Claudia Senik, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne et à l’École d’économie de Paris.

Publication : 31 janvier 2017

1. Bien-être global : le rapport au temps

La leçon principale de l’enquête est que les Français sont pessimistes quant à l’avenir du pays. Ils voient l’avenir bien plus sombre que le présent. La grande majorité (plus des deux tiers) estime que la vie de la prochaine génération en France et dans l’Union Européenne sera moins bonne que la leur.

Ce pessimisme concerne particulièrement l’avenir de notre pays : les Français sont plus pessimistes pour la France que pour l’Europe en général. Il ne s’agit donc pas d’un pessimisme général, mais réellement d’une inquiétude quant à l’avenir de la France.

Les Français sont pourtant bien plus confiants en ce qui concerne leur vie personnelle que la situation du pays. Il en va de même de leurs anticipations concernant leur situation économique personnelle et celle de l’économie en général.

C’est donc un sentiment de dégradation globale qui s’exprime, dans laquelle chacun s’ajuste et s’adapte au mieux.

Figure 1: L’avenir est plus sombre que le présent

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Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage pondérée d’enquêtés exprimant un niveau de satisfaction élevé. Voir la description des variables.

2. Insatisfaction économique

C’est dans le domaine économique que les Français sont le plus pessimistes. Niveau de vie futur, achats, équipements, revenus : les perspectives sont noires.

Les choses sont bien différentes en ce qui concerne d’autres aspects de leur vie, dont les Français sont satisfaits, notamment les relations avec leurs proches. Ce n’est donc pas un pessimisme généralisé, mais bien une inquiétude quant aux perspectives économiques et financières du pays qu’ils expriment.

Figure 2: Une insatisfaction particulière dans le domaine économique

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Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage pondéré des répondants choisissant une modalité élevée. Voir la description des variables.

3. Moi ou les autres ?

Au sein de ce pessimisme qui concerne particulièrement la France et plus spécifiquement les perspectives économiques de la France, on note tout de même une différence entre la manière dont les Français perçoivent leur avenir personnel et celui du pays, ou des autres. Visiblement, l’avenir est un peu moins noir concernant la situation de chaque individu que le tableau d’ensemble. Ainsi, la moitié des Français ont l’impression d’être bien plus heureux que les autres (au-dessus de 7 sur une échelle de 0 à 10). Un tiers d’entre eux est très satisfait de ses perspectives futures personnelles contre moins de 10% concernant les perspectives de la prochaine génération en Europe, et encore moins concernant la prochaine génération en France. Ce tableau général suggère donc une perception très dégradée de la situation de la France, bien au-delà de la situation personnelle de chacun.

Figure 3 : Perspectives personnelles et collectives

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Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage pondéré des enquêtés donnant une modalité de réponse élevée. Voir la description des variables. 

4. Époque idéale

Le pessimisme des Français pourrait être lié à la nostalgie d’une époque révolue, peut-être celle d’un plus grand rayonnement de la France. Pour évaluer ce rapport au passé et à l’avenir, nous avons demandé aux enquêtés de désigner la période à laquelle ils aimeraient vivre : dans les années 1950, 60, 70, 80, 90, aujourd’hui, dans une autre époque passée, ou dans le futur.

Il est surprenant de constater que très peu de gens déclarent avoir envie de vivre une époque à venir. Les plus jeunes (moins de 35 ans) sont un peu plus nombreux à le souhaiter, mais leur proportion reste inférieure à 5%. A l’inverse, la majorité des enquêtés, plus de 70% d’entre eux, souhaiterait vivre dans une époque passée. La plupart désignent les années 1980 ; seuls les plus âgés (65 ans et plus) choisissent les années 1970. Entre 25% et 30% des personnes interrogées choisissent l’époque actuelle. Ce rapport au passé et à l’avenir est cohérent avec le pessimisme affiché des Français.

Figure 4: Nostalgie par catégories d’âge

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Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage des enquêtés, au sein de chaque groupe, choisissant chaque époque. Réponses à la question suivante : « Certaines personnes aimeraient bien vivre à une autre époque en France. Si vous aviez le choix, laquelle choisiriez-vous ? ».

Est-ce réellement une nostalgie du passé, ou une nostalgie de leur jeunesse que les gens expriment ? Pour le savoir, nous avons calculé la catégorie d’âge correspondant à l’époque désignée par chaque personne. En moyenne, les gens avaient 23 ans (entre 17 et 27 ans) à l’époque vers laquelle ils disent vouloir retourner. Ainsi, les personnes âgées de 53 à 63 ans préféreraient vivre dans les années 1980. Est-ce la preuve d’une nostalgie de leur jeunesse, ou du fait que les années qui ont suivi ont déçu leurs espoirs ? Peut-être les années 1980 étaient-elles une époque d’optimisme sur l’entreprise et le marché, et leur contribution au progrès social, une époque où les effets douloureux de la mondialisation ne se faisaient pas encore sentir.

Notons que les personnes les plus diplômées, ainsi que celles qui jouissent d’un niveau de vie élevé sont moins tournées vers le passé. Ainsi, plus d’un tiers (38%) des répondants ayant suivi des études supérieures déclarent vouloir vivre à l’époque présente ou à venir, contre 24% des répondants diplômés du secondaire ou moins. La catégorie socioprofessionnelle joue aussi : les cadres et professions intermédiaires sont plus nombreux à choisir le présent ou l’avenir que les employés et les ouvriers.

Figure 5: Pourcentage de personnes déclarant vouloir vivre à l’époque présente ou dans une époque future

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Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage des enquêtés, au sein de chaque groupe, qui ont répondu « Aujourd’hui » ou « Dans le futur »  à la question « Certaines personnes aimeraient bien vivre dans une autre époque en France.  Si vous aviez le choix, laquelle choisiriez-vous ? ».  Revenu du ménage ajusté pour le nombre des unités de consommation dans l ménage. La catégorie « Indépendants » comprend les agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d’entreprise et professions libérales.

Annexe : description des variables

Figure 1
Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage pondérée d’enquêtés exprimant un niveau de satisfaction élevé. Un niveau élevé correspond aux échelons 7 à 10 pour les questions sur une échelle de 0 à 10 :   Satisfaction  actuelle ( «  Dans l’ensemble, dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la vie que vous menez actuellement? »), Satisfaction niveau de vie ( « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre niveau de vie ? »), Satisfaction/ mes perspectives futures (« Quand vous pensez à ce que vous allez vivre dans les années à venir, êtes-vous satisfait de cette perspective? »), Prochaine génération France : « Comment pensez-vous que sera la vie en France pour la prochaine génération ? »), Prochaine génération Europe (« Comment pensez-vous que sera la vie dans les autres pays européens pour la prochaine génération ? »). Pour les autres questions, un niveau élevé est défini de la manière suivante : Situation financière du foyer va s’améliorer (« Pensez-vous que, au cours des douze prochains mois, la situation financière de votre foyer va… » : « Nettement s’améliorer » ou « Un peu s’améliorer »), Capable d’épargner dans l’avenir (« Pensez-vous réussir à mettre de l’argent a côté au cours des douze prochains mois ? » : « Oui,  certainement »), Capable d’épargner maintenant ( « Laquelle des affirmations suivantes vous semble décrire le mieux la situation financière actuelle de votre foyer ? », : « Vous arrivez à mettre pas mal d’argent de côté» ou « vous arrivez à mettre un peu d’argent de côté »),), Situation économique en France va s’améliorer : « A votre avis, au cours des douze prochains mois, la situation économique générale de la France va… » : « Nettement s’améliorer » ou « Un peu s’améliorer »), Niveau de vie France va s’améliorer (« A votre avis, au cours des douze prochains mois, le niveau de vie en France, dans l’ensemble va… » : « Nettement s’améliorer » ou « Un peu s’améliorer »), et Nb chômeurs va diminuer  « Pensez-vous que, dans les douze prochains mois, le nombre de chômeurs va… : « Fortement diminuer » ou « Un peu diminuer »).
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Figure 2

Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage pondéré des répondants choisissant une modalité élevée pour les questions : Satisfaction au travail (« Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre travail en générale ? »), Satisfaction de santé (« Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre santé ? », réponses 7 à 10), Soutien social (« Y a-t-il des gens autour de vous sur qui vous pouvez compter en cas de besoin ? », réponses 7 à 10), Sécurité (Dans quelle mesure vous sentez-vous en sécurité lorsque vous marchez seul dans votre quartier à la nuit tombée ? », réponses 7 à 10), Satisfaction / temps libre (Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de l’équilibre entre le temps que vous consacrez à vos proches… et le temps que vous consacrez à votre travail ? », réponses 7 à 10), Satisfaction/ relations avec les proches (« Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de vos relations avec vos proches ? », réponses 7 à 10), Sens de ma vie (Avez-vous le sentiment que ce que vous faites dans votre vie a du sens, de la valeur ? », réponses 7 à 10), Satisfaction niveau de vie ( « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre niveau de vie ? », réponses 7 à 10), Capable d’épargner maintenant (« Laquelle des affirmations suivants vous semple décrire le mieux la situation financière actuelle de votre foyer ? », réponses : « Vous arrivez à mettre pas mal d’argent de côté» ou « vous arrivez à mettre un peu d’argent de côté »), Achats importants l’an passé (« Avez-vous fait des achats importants au cours des douze derniers mois ? »), réponse : « Oui »), Niveau de vie en France s’est amélioré (« A votre avis, au cours des douze derniers mois, le niveau de vie en France, dans l’ensemble s’est… », réponses : « Nettement amélioré » ou « Un peu amélioré »), Situation économique en France s’est amélioré ( « A votre avis, au cours des douze derniers mois, la situation économique générale de la France s’est… », réponses : « Nettement amélioré» ou « Un peu amélioré»), Situation financière du foyer s’est amélioré (« A cours des douze derniers mois, la situation financière de votre foyer s’est…. », réponses : « Nettement améliorée » ou « un peu améliorée »).
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Figure 3

Les données présentées ci-dessus proviennent de deux enquêtes réalisées en juin et septembre 2016, et reflètent le pourcentage pondéré des enquêtés donnant une modalité de réponse élevée aux questions : Bonheur comparé aux autres (« Si vous vous comparez aux gens qui vivent en France en général, comment vous situez-vous [en termes de bonheur] ? », réponses hautes : 7 à 10), Satisfaction/ mes perspectives futures ( « Quand vous pensez à ce que vous allez vivre dans les années à venir, êtes-vous satisfait de cette perspective? », réponses hautes 7 à 10), Prochaine génération France : « Comment pensez-vous que sera la vie en France pour la prochaine génération ? », réponses hautes : 7 à 10), et Prochaine génération Europe (« Comment pensez-vous que sera la vie dans les autres pays européens pour la prochaine génération ? », réponses hautes : 7 à 10). Retour à la Figure 3