Insatisfaction, défiance et crise politique

Note
Observatoire du bien-ĂȘtre

Nous montrons que le dĂ©clin du bonheur et de la confiance sociale en Europe et aux États-Unis explique une grande partie de la montĂ©e de la polarisation politique et des votes anti-systĂšme.

Les attitudes subjectives telles que la satisfaction de vie et la confiance jouent un rÎle beaucoup plus important dans la formation des valeurs et du comportement électoral que les idéologies traditionnelles ou la lutte des classes.

Tout d’abord, le dĂ©clin de la satisfaction de vie explique la montĂ©e des votes anti-systĂšme. Mais ensuite intervient la confiance envers les autres : parmi les personnes malheureuses qui sont attirĂ©es par les extrĂȘmes du spectre politique, les personnes ayant une faible confiance sociale se retrouvent plus souvent Ă  l’extrĂȘme droite, tandis que celles ayant une confiance Ă©levĂ©e tendent davantage Ă  voter pour l’extrĂȘme gauche.

Yann Algan, HEC – Cepremap

Corin Blanc, EconomiX, Ademe et Cepremap

Claudia Senik, PSE et Cepremap

Publié le 27 mars 2025

Cette Note est une adaptation en français du chapitre 8 du World Happiness Report 2025, « Trusting others: How unhappiness and social distrust explain populism Â», par les mĂȘmes auteurs.

https://worldhappiness.report/ed/2025/trusting-others-how-unhappiness-and-social-distrust-explain-populism

Nous remercions EugĂ©nie de Laubier pour son excellent travail d’assistante de recherche et Elizabeth Beasley pour sa contribution Ă  un travail prĂ©liminaire.

Au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, les pays occidentaux ont connu une cascade de victoires politiques des partis « anti-systĂšme Â», du Brexit en 2015 Ă  l’Ă©lection de Donald Trump en 2024. Durant cette pĂ©riode, le ressentiment envers « le systĂšme Â» s’est accru dans la plupart des pays europĂ©ens, notamment en Autriche, au Danemark, en Finlande, en France, en Allemagne, en Hongrie, en Italie, en Pologne, en SuĂšde et en Suisse. Ce ressentiment a pour corollaire la montĂ©e globale de ces partis populistes depuis le dĂ©but du 20e siĂšcle, tant Ă  l’extrĂȘme gauche qu’Ă  l’extrĂȘme droite, avec une forte augmentation depuis les annĂ©es 1980.

Les Ă©lecteurs remettent en question l’immigration et la mondialisation ; le protectionnisme est en hausse, et les attaques contre les experts et les mĂ©dias traditionnels sont de plus en plus frĂ©quentes. Les crimes haineux contre les immigrĂ©s et les minoritĂ©s, principalement alimentĂ©s par les partis populistes, sont Ă©galement en augmentation. À premiĂšre vue, ces tendances peuvent surprendre, compte tenu des niveaux de prospĂ©ritĂ© et de sĂ©curitĂ© historiquement sans prĂ©cĂ©dent aprĂšs la Seconde Guerre mondiale et la chute du mur de Berlin en 1989.

Plusieurs Ă©tudes suggĂšrent que cette vague trouve son origine dans une perte de confiance envers les partis politiques traditionnels, tant de droite que de gauche, et une perte de confiance plus gĂ©nĂ©rale envers les Ă©lites, donnant naissance Ă  des « partis anti-partis Â»1. Cette perte de confiance dans le systĂšme peut ĂȘtre attribuĂ©e Ă  plusieurs facteurs Ă©conomiques, tels que l’insĂ©curitĂ© Ă©conomique croissante et les consĂ©quences Ă©conomiques de la mondialisation, du commerce international ou de l’automatisation2, ou Ă  des facteurs culturels conduisant Ă  un rejet de la modernitĂ© et Ă  une hostilitĂ© croissante envers les immigrĂ©s3.

Ce que ces explications abordent rarement est la question de savoir pourquoi certains Ă©lecteurs anti-systĂšme rĂ©pondent Ă  ces pressions en se tournant vers l’extrĂȘme gauche, et d’autres vers l’extrĂȘme droite. Tout aussi intrigants sont les diffĂ©rents agendas de la droite populiste et de l’extrĂȘme gauche en termes d’inĂ©galitĂ©s de revenus, notamment le comportement paradoxal des plus pauvres qui, bien que bĂ©nĂ©ficiaires potentiels de la redistribution des revenus, votent souvent pour des partis qui s’y opposent4. La rĂ©cente victoire de Donald Trump en 2024 en est une parfaite illustration. De mĂȘme, dans le contexte français, lors du premier tour de l’Ă©lection prĂ©sidentielle de 2022, les partis anti-systĂšme, tant de l’extrĂȘme gauche (La France insoumise – JL MĂ©lenchon) que de l’extrĂȘme droite (Rassemblement national – M. Le Pen) ont rassemblĂ© environ 20% des voix de la part d’électeurs provenant souvent du mĂȘme milieu social. Le Pen, la candidate populiste de droite, et MĂ©lenchon, le candidat d’extrĂȘme gauche, tout en proposant deux programmes politiques trĂšs diffĂ©rents sur l’immigration et la redistribution, sont tous deux capables d’attirer les votes des mĂȘmes ouvriers.

Pour expliquer ces comportements politiques, il faut reconnaĂźtre le dĂ©clin du pouvoir explicatif de la division traditionnelle en termes de classes sociales dans le comportement Ă©lectoral et chercher un nouveau cadre qui puisse expliquer la montĂ©e des votes anti-systĂšme et leur orientation soit vers la droite populiste (avec une idĂ©ologie anti-redistribution et plus particulariste ou anti-immigrĂ©s) soit vers l’extrĂȘme gauche (pro-redistribution et plus universaliste ou pro-immigrĂ©s).

Dans cette Note, nous proposons un tel cadre, oĂč les attitudes subjectives comme la satisfaction de vie et la confiance interpersonnelle jouent un rĂŽle crucial. Dans le contexte des sociĂ©tĂ©s post-industrielles devenues de plus en plus individualistes, les attitudes subjectives jouent un rĂŽle beaucoup plus important dans la formation des valeurs et du comportement Ă©lectoral que les idĂ©ologies traditionnelles ou la lutte des classes. ConformĂ©ment aux conclusions prĂ©cĂ©dentes, nous montrons que la (faible) satisfaction de vie est fortement liĂ©e Ă  la mĂ©fiance envers les institutions et Ă  la prĂ©fĂ©rence pour les candidats anti-systĂšme, tant aux États-Unis qu’en Europe, en utilisant diverses bases de donnĂ©es internationales5.

Nous mettons ensuite en Ă©vidence un nouvel Ă©lĂ©ment clĂ© : le rĂŽle de la confiance sociale pour expliquer comment ces forces anti-systĂšme s’orientent vers la droite ou la gauche du spectre politique. Les Ă©lecteurs d’extrĂȘme gauche ont un niveau de confiance sociale plus Ă©levĂ©, tandis que les populistes de droite ont un trĂšs faible niveau de confiance sociale. Pour la droite populiste, cette faible confiance ne se limite pas aux Ă©trangers, mais s’Ă©tend Ă©galement aux autres en gĂ©nĂ©ral, des homosexuels Ă  leurs propres voisins. L’inclination xĂ©nophobe de la droite populiste, bien documentĂ©e dans le monde entier6, semble ĂȘtre un cas particulier d’une mĂ©fiance plus large envers le reste de la sociĂ©tĂ©. Les populistes de droite Ă  travers le monde partagent des inclinations xĂ©nophobes et anti-immigration. Les DĂ©mocrates suĂ©dois, le Parti populaire danois, le Parti des Finlandais, le Parti de la libertĂ© d’Autriche, l’Aube dorĂ©e grecque, la Ligue du Nord ou Fratelli d’Italia, le Rassemblement National en France et une fraction du Parti rĂ©publicain aux États-Unis sont tous construits sur de solides fondements anti-immigration.

Pour englober ces schĂ©mas dans un cadre unifiĂ©, nous construisons une matrice de confiance interpersonnelle et de satisfaction de vie et montrons comment les Ă©lecteurs aux États-Unis et en Europe occidentale se positionnent dans cette matrice au cours de la derniĂšre dĂ©cennie. Nous testons la pertinence de ce cadre en combinant diverses bases de donnĂ©es : le Gallup World Poll (2004-2024), l’EnquĂȘte sociale europĂ©enne (2002-2023), le General Social Survey (1970-2023) et le World Values Survey (1981-2023).

Notre nouveau paradigme offre un Ă©clairage supplĂ©mentaire pour une analyse plus gĂ©nĂ©rale des prĂ©fĂ©rences politiques. Il Ă©claire la montĂ©e des partis anti-systĂšme au cours du temps. Nous montrons, grĂące aux donnĂ©es Gallup, une accĂ©lĂ©ration de la baisse de la satisfaction de vie aux États-Unis et, dans une moindre mesure, dans les pays d’Europe occidentale, comme dĂ©jĂ  documentĂ© dans le World Happiness Report de 2024. Nous apportons Ă©galement de nouvelles preuves d’un fort dĂ©clin de la confiance sociale. À titre d’illustration, la proportion d’AmĂ©ricains qui font confiance aux autres a presque diminuĂ© de moitiĂ© depuis les annĂ©es 1970, passant de 50% Ă  30%. Ces nouvelles observations font Ă©cho au livre fondateur de Bob Putnam, Bowling Alone et au chapitre de de Neve et al. dans World Happiness Report 20257. Nous montrons que ces tendances sont fortement associĂ©es Ă  l’augmentation de la probabilitĂ© de voter pour des partis anti-systĂšme en Europe occidentale et aux États-Unis, et nous identifions les groupes de personnes dont la satisfaction de vie et la confiance sociale ont le plus diminuĂ© au cours de cette pĂ©riode.

Un nouveau paradigme pour expliquer les votes anti-systĂšme

De nombreuses Ă©tudes ont Ă©tabli l’influence des attitudes subjectives, telles que la satisfaction de vie, sur le comportement Ă©lectoral. En particulier, il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© montrĂ© que les personnes malheureuses ont moins confiance dans les partis politiques et le systĂšme politique, sont plus susceptibles d’adhĂ©rer Ă  des idĂ©es autoritaires rĂ©clamant un leader fort pour diriger le pays, et sont plus susceptibles de rejeter les partis en place, tant dans le contexte europĂ©en que du Brexit8, ainsi que dans le contexte amĂ©ricain de l’élection de Trump en 20169. Les Ă©motions nĂ©gatives mesurĂ©es par les enquĂȘtes internationales et les mĂ©dias sociaux sont Ă©galement fortement associĂ©es aux votes populistes aux États-Unis et en Europe occidentale10.

Ces Ă©lĂ©ments s’ajoutent Ă  la vaste littĂ©rature consacrĂ©e aux consĂ©quences politiques des chocs et des risques Ă©conomiques, tels que la crise financiĂšre, la mondialisation et l’augmentation des inĂ©galitĂ©s de revenus. Ils montrent comment les mesures de satisfaction de vie captent l’impact de ces chocs sur l’expĂ©rience de vie d’une maniĂšre beaucoup plus prĂ©cise que de simples mesures sociodĂ©mographiques, et comment ces expĂ©riences subjectives nĂ©gatives se traduisent par un rejet des institutions et des Ă©lites, tenues pour responsables de n’avoir pas offert une protection suffisante contre ces alĂ©as.

Pourtant, ces Ă©tudes ne peuvent expliquer pourquoi les Ă©lecteurs malheureux se tournent soit vers la gauche, soit vers la droite du spectre politique, ni leurs diffĂ©rentes idĂ©ologies, c’est-Ă -dire leurs valeurs Ă©conomiques et culturelles. Notre contribution ici est de montrer l’importance d’ajouter la confiance sociale comme deuxiĂšme dimension, en plus de la satisfaction de vie, afin de comprendre la rĂ©partition des citoyens insatisfaits entre l’extrĂȘme gauche et l’extrĂȘme droite. Nous analysons Ă©galement le comportement des abstentionnistes, dont le manque d’inclusion sociale est associĂ© Ă  un retrait du jeu politique et au refus de voter. Cela est particuliĂšrement rĂ©vĂ©lateur dans le cas des États-Unis, oĂč ce comportement reprĂ©sente un ajout aux options limitĂ©es offertes par le systĂšme bipartite.

Cette rĂ©partition fait Ă©cho Ă  certains travaux illustrant le rĂŽle des valeurs morales universalistes ou particularistes dans la montĂ©e du vote pro-Trump dans le contexte amĂ©ricain11. Elle fait Ă©galement Ă©cho Ă  d’autres Ă©tudes pointant les causes culturelles de la montĂ©e du populisme. Par exemple, Norris et Inglehart affirment que le vote populiste est principalement portĂ© par la gĂ©nĂ©ration nĂ©e entre les deux guerres mondiales, motivĂ©e par un rejet de la modernitĂ© culturelle, de la diversitĂ© et de l’Ă©mancipation des femmes et des minoritĂ©s sexuelles. Cependant, ces explications traditionnelles ne parviennent pas Ă  expliquer pourquoi dans certains pays, les plateformes populistes attirent au moins autant de soutien de la part des jeunes que de la gĂ©nĂ©ration plus ĂągĂ©e. La montĂ©e des votes populistes est omniprĂ©sente, traversant les gĂ©nĂ©rations et les catĂ©gories sociales. Le rejet culturel est Ă©galement incapable d’expliquer la baisse dramatique de la confiance dans le gouvernement observĂ©e dans tout le monde occidental, toutes gĂ©nĂ©rations confondues. Les facteurs Ă©conomiques ne peuvent pas non plus expliquer pourquoi il existe un fort courant xĂ©nophobe dans certains partis anti-systĂšme mais pas dans d’autres, ou pourquoi de nombreux partis populistes et leurs Ă©lectorats pauvres sont hostiles aux politiques de redistribution des revenus.

Notre cadre d’analyse s’appuie enfin sur d’abondantes recherches en sciences sociales montrant comment la confiance sociale façonne les idĂ©ologies, notamment les valeurs Ă©conomiques, en particulier la prĂ©disposition des citoyens Ă  payer des impĂŽts, Ă  financer des biens publics, ou Ă  favoriser des politiques plus ou moins redistributives. Par exemple, le consentement Ă  l’impĂŽt d’une personne sera plus Ă©levĂ© si elle estime que les autres contribuent Ă©galement, une conclusion confirmĂ©e par des expĂ©riences de laboratoire sur les jeux de biens publics12. Les personnes les plus en faveur de la redistribution, et plus gĂ©nĂ©ralement les pays oĂč le systĂšme d’État-providence est plus gĂ©nĂ©reux, affichent des niveaux de confiance plus Ă©levĂ©s. À l’inverse, la mĂ©fiance mine le soutien Ă  la redistribution des revenus. Dans le contexte français, la confiance explique une grande partie des valeurs Ă©conomiques et culturelles, en particulier les attitudes envers l’immigration ou l’homosexualitĂ©13.

Les deux diagrammes ci-dessous illustrent le nouveau paradigme que nous proposons. La Figure 1 montre comment la satisfaction de vie et la confiance sociale expliquent les idĂ©ologies (Ă  la fois les attitudes culturelles et Ă©conomiques) et les attitudes et votes politiques. La Figure 2 montre comment la satisfaction de vie et la confiance sociale sont toutes deux nĂ©cessaires pour comprendre pleinement les mouvements anti-systĂšme.

Figure 1 : Relations entre bien-ĂȘtre subjectif, valeurs et vote
Figure 2 : Partition des valeurs et des votes selon la satisfaction dans la vie et la confiance

L’influence de la satisfaction de vie et de la confiance sur l’idĂ©ologie

Nous commençons par illustrer les relations entre la satisfaction de vie et la confiance sociale, d’une part, et les valeurs politiques, Ă©conomiques et culturelles d’autre part.

La satisfaction de vie est mesurĂ©e par la question : « ĂŠtes-vous satisfait de votre vie en gĂ©nĂ©ral ? Â» avec des rĂ©ponses sur une Ă©chelle de 0 pour « trĂšs insatisfait Â» Ă  10 pour « trĂšs satisfait Â». La confiance sociale est mesurĂ©e par la confiance interpersonnelle, la confiance que les gens ont envers les autres. Il est important de noter qu’elle est diffĂ©rente de la confiance institutionnelle, (gouvernement, parlement, justice, etc.). Pour mesurer la confiance interpersonnelle, nous utilisons la question : « En gĂ©nĂ©ral, diriez-vous qu’on peut faire confiance Ă  la plupart des gens ou qu’on n’est jamais trop prudent dans ses relations avec les autres ? Â» Cette question est devenue une rĂ©fĂ©rence standard dans les enquĂȘtes internationales pour Ă©valuer le tissu social, la capacitĂ© Ă  coopĂ©rer en dehors de la famille et du cercle privĂ©. Nous proposons Ă©galement des mesures supplĂ©mentaires de confiance sociale basĂ©es sur des mesures concrĂštes de relations sociales.

Nous mettons en Ɠuvre notre cadre et examinons l’interaction entre la satisfaction de vie et la confiance sociale. Pour simplifier, nous divisons la population de chaque pays en groupes de confiance Ă©levĂ©e versus faible et en groupes de satisfaction de vie Ă©levĂ©e versus faible (par rapport au niveau mĂ©dian). Nous reprĂ©sentons ensuite les valeurs moyennes des quatre groupes dĂ©finis par cette partition.

Valeurs politiques

La Figure 3 illustre l’association entre la satisfaction Ă  l’Ă©gard de la dĂ©mocratie et la satisfaction de vie et la confiance interpersonnelle, Ă  l’aide d’estimations individuelles sur donnĂ©es europĂ©ennes et amĂ©ricaines, Ă  revenu, niveau d’Ă©ducation, genre et Ăąge donnĂ©s (les rĂ©sultats pour la confiance dans le Parlement, dans le systĂšme juridique, dans les politiciens et le soutien Ă  l’intĂ©gration europĂ©enne sont prĂ©sentĂ©s en annexe du chapitre en langue anglaise du World Happiness Report 2025).

La barre verticale portant les points verts, Ă  droite de la figure, reprĂ©sente les attitudes des individus qui dĂ©clarent un niveau Ă©levĂ© de satisfaction de vie et de confiance. Par rapport Ă  ce point de rĂ©fĂ©rence, les couleurs des points correspondent aux trois autres groupes : satisfaction de vie Ă©levĂ©e et faible confiance (orange), faible satisfaction de vie et faible confiance (rose), et faible satisfaction de vie et confiance Ă©levĂ©e (bleu).

Valeurs culturelles

Le groupe de citoyens ayant le plus faible niveau de satisfaction, le groupe anti-systĂšme, est divisĂ© en termes de valeurs culturelles et sur ce qui devrait remplacer le « systĂšme Â». Cette division dĂ©pend de leur niveau de confiance sociale.

La Figure 4 montre ainsi que la confiance sociale est le principal prĂ©dicteur de la division culturelle en termes d’attitudes envers l’immigration mais aussi envers l’homosexualitĂ©, l’avortement et la criminalitĂ©. Nous mesurons les attitudes envers les LGBTQ Ă  l’aide de questions sur le droit des personnes gays et lesbiennes d’adopter des enfants (aux États-Unis) ou de vivre leur vie comme elles le souhaitent (dans le cas europĂ©en). Nous mesurons les attitudes envers les immigrants par le biais de questions sur le fait de savoir si l’immigration est bonne pour l’Ă©conomie du pays ou menace les emplois des natifs.

Le rĂŽle crucial de la confiance sociale dans la formation des valeurs culturelles est puissamment illustrĂ© par le contraste entre deux blocs au sein du groupe des citoyens ayant une faible satisfaction de vie : ceux ayant une faible confiance (rose) s’opposent presque deux fois plus frĂ©quemment Ă  l’immigration et aux droits LGBTQ que ceux ayant une confiance Ă©levĂ©e (bleu). Les citoyens ayant une confiance Ă©levĂ©e, mĂȘme lorsqu’ils expriment un faible niveau de satisfaction de vie (bleu foncĂ©), sont plus tolĂ©rants envers l’immigration et les LGBTQ que les personnes trĂšs satisfaites mais mĂ©fiantes (orange). Ainsi, contrairement Ă  l’idĂ©ologie politique, qui dĂ©pend du niveau de satisfaction de vie, l’idĂ©ologie culturelle s’organise le long de l’axe de la confiance interpersonnelle, comme le montre notre Figure 2 initiale.

Valeurs Ă©conomiques

Les mĂȘmes schĂ©mas se retrouvent dans les relations entre satisfaction de vie, confiance sociale et valeurs Ă©conomiques. La confiance sociale apparaĂźt comme le principal facteur de positionnement vis-Ă -vis de la redistribution des revenus.

Nous mesurons les attitudes envers la redistribution en utilisant une question sur le fait de savoir si « Le gouvernement devrait rĂ©duire les diffĂ©rences de niveau de revenu Â» (Ă©chelle 1-10) pour l’Europe, et « Il devrait y avoir de plus grandes incitations Ă  l’effort individuel Â» versus « Les revenus devraient ĂȘtre rendus plus Ă©gaux Â» (Ă©chelle 1 Ă  10) pour les États-Unis.

La Figure 5 montre que le soutien à la redistribution des revenus est généralement associé à une confiance sociale plus élevée, mais à une satisfaction de vie plus faible (en neutralisant le rÎle du revenu individuel).

Ceux qui sont trĂšs satisfaits de leur vie mais qui ont une faible confiance (orange) sont ceux qui s’opposent le plus souvent Ă  la redistribution des revenus. Le contraste est encore plus saisissant au sein du groupe de citoyens ayant la plus faible satisfaction de vie : ils sont moins favorables Ă  la redistribution des revenus s’ils ont un faible niveau de confiance interpersonnelle (rose), mais plus favorables s’ils font confiance aux autres (bleu). Les citoyens ayant une faible confiance interpersonnelle sont sans doute sceptiques quant au contrat social et au comportement de rĂ©ciprocitĂ© de la part des autres. La littĂ©rature Ă©conomique a en effet montrĂ© que le niveau de confiance interpersonnelle explique une part importante de la prĂ©disposition des citoyens Ă  financer les biens publics, Ă  payer des impĂŽts ou Ă  soutenir les politiques redistributives. Cela Ă©claire le comportement paradoxal d’une grande partie de la classe ouvriĂšre, qui est la moins satisfaite de la vie en gĂ©nĂ©ral, mais vote pour des partis qui s’opposent aux politiques redistributives.

L’influence de la satisfaction de la vie et de la confiance sur le comportement Ă©lectoral

Nous nous penchons Ă  prĂ©sent sur le comportement Ă©lectoral des citoyens. Nous Ă©tudions tout d’abord le lien entre la satisfaction de vie, la confiance et les votes (deuxiĂšme flĂšche de la figure 1), puis le lien entre les valeurs Ă©conomiques et culturelles et les votes (troisiĂšme flĂšche de la figure 1).

Satisfaction, confiance et vote en Europe

Dans l’ensemble de l’Europe occidentale, un niveau Ă©levĂ© de satisfaction dans la vie est nĂ©gativement associĂ© au vote pour les partis extrĂȘmes lors des derniĂšres Ă©lections nationales, c’est-Ă -dire soit Ă  l’extrĂȘme droite, soit Ă  l’extrĂȘme gauche (Tableau 1). En revanche, les Ă©lecteurs des partis de centre-gauche et de centre-droit sont en moyenne plus satisfaits de leur vie. Toutefois, un faible niveau de confiance est uniquement associĂ© Ă  une attirance pour l’extrĂȘme droite et, dans une moindre mesure, pour la droite, mais pas pour la gauche et l’extrĂȘme gauche.

Variable expliquée
ExtrĂȘme gauche (1)Gauche (2)Centre (3)Droite (4)ExtrĂȘme droite (5)
Satisfaction dans la vie-0.010*
(0.001)
-0.005*
(0.001)
0.005*
(0.001)
0.015*
(0.001)
-0.005*
(0.001)
Confiance interpersonnelle0.004*
(0.001)
0.014*
(0.001)
0.003*
(0.001)
-0.006*
(0.001)
-0.016*
(0.001)
Observations32,45032,45032,45032,45032,450
RÂČ0.0680.0830.0880.0730.083
Adjusted RÂČ0.0670.0820.0870.0720.082
Residual Std. Error (df = 32414)0.2890.4870.3320.4430.334

Tableau 1 : Satisfaction dans la vie, confiance et vote en Europe occidentale
Note : estimations par les moindres carrĂ©s ordinaires de la propension Ă  voter pour chaque parti Ă  la derniĂšre Ă©lection nationale. La rĂ©gression contrĂŽle pour le genre, le revenu, le niveau de diplĂŽme, avec des effets fixes pour les annĂ©es et les pays. Les Ă©carts-types sont groupĂ©s au niveau du pays, et les abstentionnistes sont exclus de l’échantillon. Tous les coefficients prĂ©sentĂ©s sont significatifs au niveau au seuil de 1 %.

La figure 6 montre qu’en Europe occidentale, les Ă©lecteurs d’extrĂȘme droite et d’extrĂȘme gauche dĂ©clarent tous deux des niveaux de satisfaction de la vie Ă©galement faibles, mais se positionnent symĂ©triquement sur des niveaux de confiance faibles (extrĂȘme droite) et Ă©levĂ©s (extrĂȘme gauche). Ce constat est cohĂ©rent avec nos rĂ©sultats prĂ©cĂ©dents concernant les valeurs politiques, Ă©conomiques et culturelles. L’idĂ©ologie anti-systĂšme et la mĂ©fiance Ă  l’Ă©gard des institutions sont liĂ©es Ă  une faible satisfaction dans la vie, mais cette derniĂšre ne suffit pas Ă  gĂ©nĂ©rer un mouvement populiste d’extrĂȘme droite. La droite populiste s’appuie sur une faible confiance interpersonnelle, elle-mĂȘme associĂ©e Ă  des attitudes anti-immigration et anti-redistribution.

La figure 7 illustre ces rĂ©sultats pour une sĂ©lection de pays europĂ©ens, du sud (Espagne) au centre (France et Allemagne) et au nord (SuĂšde). Dans tous les pays, les Ă©lecteurs d’extrĂȘme droite se situent Ă  un niveau de confiance sociale bien infĂ©rieur Ă  celui des Ă©lecteurs de tout autre parti politique. En gĂ©nĂ©ral, les Ă©lecteurs des partis de centre-droit ou de centre-gauche ont une satisfaction de vie et une confiance sociale supĂ©rieures Ă  la moyenne.

Les Ă©lections françaises constituent une illustration classique de notre paradigme. L’extrĂȘme gauche (MĂ©lenchon) et l’extrĂȘme droite (Le Pen) y disposent d’un Ă©lectorat important (18-25% aux Ă©lections prĂ©sidentielles de 2017 et 2022). Les citoyens ayant une confiance interpersonnelle Ă©levĂ©e sont plus susceptibles de voter pour la gauche, et ceux ayant une confiance plus faible sont plus susceptibles de voter pour la droite. Les Ă©lecteurs de Le Pen et de MĂ©lenchon partagent le mĂȘme niveau d’insatisfaction mais diffĂšrent en termes de confiance. L’Ă©lectorat du centre est incarnĂ© par Emmanuel Macron, avec un niveau Ă©levĂ© de satisfaction de vie et de confiance, qui correspond aux personnes plus aisĂ©es ayant des valeurs libĂ©rales et pro-europĂ©ennes. En revanche, ceux qui votent pour les partis de la droite traditionnelle sont satisfaits de la vie (en partie du fait de leurs revenus Ă©levĂ©s) mais moins confiants. Nous retrouvons les mĂȘmes tendances chez les partis anti-systĂšme en Allemagne (Die Linke contre AfD) et en Espagne (Podemos contre Vox).

Satisfaction, confiance et attitudes politiques aux États-Unis

Notre cadre est plus difficile Ă  appliquer dans le systĂšme bipartisan amĂ©ricain (DĂ©mocrates versus RĂ©publicains) qui protĂšge les partis de la fragmentation. En appliquant notre cadre, nous dĂ©couvrons un clivage important non seulement entre les partis politiques, mais aussi entre les Ă©lecteurs et les abstentionnistes, ces derniers affichant les niveaux les plus bas de satisfaction de vie et de confiance interpersonnelle. Aux États-Unis, ce groupe de citoyens, qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme anomiques, n’est pas reprĂ©sentĂ© par un parti.

Nous nous concentrons plus spĂ©cifiquement sur les deux Ă©lections prĂ©sidentielles de 2016 et 2020, qui sont associĂ©es Ă  la montĂ©e des votes pour Donald. Dans un systĂšme multipartite, les Ă©lecteurs peuvent choisir – ou crĂ©er – un parti qui correspond Ă  leurs prĂ©fĂ©rences. Dans un systĂšme bipartite, les partis prennent souvent des positions opposĂ©es sur chaque enjeu politique saillant, ce qui façonne la nature de la polarisation : les politiciens et les Ă©lecteurs se rĂ©partissent autour d’une division qui agrĂšge plusieurs enjeux. Chacun des deux partis reprĂ©sente ainsi une coalition d’Ă©lecteurs qui soutiennent diffĂ©rentes positions politiques sur diverses dimensions. Nous essayons d’identifier ces sous-groupes pour comprendre leurs caractĂ©ristiques et leur comportement Ă©lectoral.

La Figure 8 illustre les votes en 2016 et 2020 pour les Ă©lections primaires et prĂ©sidentielles. En 2016, les votes pour Hillary Clinton Ă©taient des votes pour le statu quo, provenant de personnes ayant un niveau de confiance et de satisfaction de vie Ă©levĂ©. Les Ă©lecteurs d’Hillary Clinton sont plus riches que la moyenne (ce qui est fortement corrĂ©lĂ© avec leur satisfaction de vie) et leur niveau Ă©levĂ© de confiance les rend plus favorables Ă  l’immigration et Ă  la mondialisation. Dans le camp dĂ©mocrate, les Ă©lecteurs de Bernie Sanders expriment Ă©galement un niveau de confiance plus Ă©levĂ© que la moyenne, mais un niveau de satisfaction de vie plus faible. Ce schĂ©ma explique pourquoi ils votent pour un candidat dont le principal slogan de campagne porte sur la redistribution des revenus et la taxation des plus riches. Les Ă©lecteurs de Donald Trump en 2016 prĂ©sentent des caractĂ©ristiques diffĂ©rentes : leur niveau de satisfaction de vie est lĂ©gĂšrement supĂ©rieur Ă  la moyenne nationale (cela est dĂ» Ă  la composition de cet Ă©lectorat, combinant Ă  la fois la classe ouvriĂšre blanche, la classe moyenne et les riches), mais un faible niveau de confiance. Cela est cohĂ©rent avec la plateforme anti-impĂŽts et anti-immigration de Trump.

En 2020, Donald Trump Ă©tait le seul candidat du camp rĂ©publicain. Le ralliement des Ă©lecteurs rĂ©publicains traditionnels fortunĂ©s (qui avaient votĂ© pour d’autres candidats rĂ©publicains lors des primaires prĂ©sidentielles de 2016) explique le niveau de satisfaction de vie supĂ©rieur Ă  la moyenne de ce groupe et leur niveau moyen de confiance. En revanche, tous les Ă©lecteurs dĂ©mocrates affichent une faible satisfaction de vie et un niveau moyen ou supĂ©rieur Ă  la moyenne de confiance interpersonnelle.

Mais la caractĂ©ristique la plus remarquable des Ă©lections amĂ©ricaines de 2016 et 2020 est le niveau beaucoup plus faible de satisfaction de vie et de confiance des abstentionnistes par rapport aux votants. Alors qu’en Europe les « anomiques Â» se tournent vers les partis d’extrĂȘme droite, aux États-Unis ils se retirent de la vie publique. Pour approfondir cette spĂ©cificitĂ©, nous utilisons une autre enquĂȘte (isolĂ©e) consacrĂ©e Ă  la satisfaction de vie et Ă  la confiance sociale des citoyens amĂ©ricains et Ă  leur comportement Ă©lectoral en 2016 et 202014.

La Figure 9A illustre d’abord le clivage entre abstentionnistes et votants en termes de satisfaction de vie. Les abstentionnistes affichent une plus grande solitude tant au travail que dans leur vie, une satisfaction de vie plus faible et moins d’optimisme pour l’avenir. La situation des abstentionnistes empire mĂȘme entre les deux Ă©lections : alors que leur satisfaction de vie est infĂ©rieure de 31 points de pourcentage Ă  la moyenne en 2016, elle est infĂ©rieure de 39 points de pourcentage en 2020.

La Figure 9B illustre le niveau de confiance systĂ©matiquement plus faible des abstentionnistes dans toutes les dimensions : confiance envers les immigrants, les Ă©trangers, mais aussi envers leurs voisins et leur propre famille. La dĂ©fiance envers leur propre famille ou leurs amis (30 points de pourcentage de moins que la moyenne) est presque aussi forte qu’envers les Ă©trangers (-36 points de pourcentage) et les autres en gĂ©nĂ©ral (-41 points de pourcentage).

Enfin, les abstentionnistes affichent une mĂ©fiance spĂ©cifique envers les institutions. En particulier, ils ont une confiance infĂ©rieure de 39 points de pourcentage Ă  la moyenne envers les tribunaux, de 37 points de pourcentage infĂ©rieure envers la police, et de 30 points de pourcentage infĂ©rieure envers le gouvernement en 2020. Ce niveau dramatiquement bas de confiance institutionnelle s’est dĂ©tĂ©riorĂ© entre 2016 et 2020 (Figure 9C).

Valeurs et comportement politique

Enfin, nous examinons le lien entre les valeurs Ă©conomiques ou culturelles et le comportement politique (troisiĂšme flĂšche de la figure 2A).

En Europe

Le tableau 2A montre qu’en Europe, toutes les mesures de la confiance politique sont nĂ©gativement corrĂ©lĂ©es avec les positions d’extrĂȘme gauche et d’extrĂȘme droite. Le tableau 2B prĂ©sente les relations attendues entre le soutien Ă  la redistribution des revenus et Ă  l’Ă©galitĂ© des chances, d’une part, et le positionnement politique et les votes, d’autre part. En particulier, l’extrĂȘme-gauche est beaucoup plus favorable et l’extrĂȘme droite moins favorable Ă  la redistribution que le centre. On constate Ă©galement les relations attendues entre les votes et les attitudes culturelles, l’extrĂȘme droite Ă©tant beaucoup moins tolĂ©rante Ă  l’Ă©gard de l’immigration et des couples de mĂȘme sexe. En termes d’ampleur, le soutien Ă  la redistribution des revenus est beaucoup plus importante pour les Ă©lecteurs d’extrĂȘme-gauche peu satisfaits et trĂšs confiants, et l’immigration est l’obsession des Ă©lecteurs d’extrĂȘme-droite peu satisfaits et peu confiants.

Variable expliquée
Satisfaction envers la démocratie (1)Confiance envers les politiques (2)Confiance dans le systÚme légal (3)Intégration Européenne (4)Confiance dans le parlement (5)
ExtrĂȘme gauche-1.337
(0.432)
-0.589*
(0.298)
-0.787
(0.343)
-0.285
(0.385)
-0.896
(0.307)
Gauche-0.153
(0.435)
0.100
(0.317)
-0.102
(0.270)
0.224
(0.395)
0.109
(0.327)
Centre (Bascline)-0.290
(0.349)
-0.121
(0.261)
-0.277
(0.234)
-0.491
(0.395)
-0.151
(0.319)
Droite
ExtrĂȘme droite-1.789*
(0.477)
-1.286*
(0.372)
-1.589*
(0.289)
-2.010*
(0.154)
-1.558*
(0.318)
Observations31,60631,65731,64831,66731,616
RÂČ0.1650.1680.1760.1630.168
Adjusted RÂČ0.1640.1670.1750.1620.167
Residual Std. Error2.354 (df = 31573)2.212 (df = 31624)2.406 (df = 31615)2.598 (df = 31604)2.416 (df = 31588)
Tableau 2A : Confiance politique et comportements de vote en Europe
ESS (2018-2023)
Note : estimations par les moindres carrés ordinaires. La régression contrÎle pour le genre, le revenu, le niveau de diplÎme, avec des effets fixes pour les années et les pays. *p<0.1; p<0.05; ***p<0.01
Variable expliquée
LibertĂ© de vie pour les gays et les lesbiennes (1)Immigration bĂ©nĂ©fique Ă  l’économie (2)Vie culturelle enrichie par les immigrĂ©s (3)RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s par le Gouvernement (4)ÉgalitĂ© des chances (5)
ExtrĂȘme gauche0.315
(0.160)
0.327*
(0.296)
0.839*
(0.077)
0.196
(0.087)
Gauche0.189
(0.087)
0.322
(0.087)
0.856
(0.276)
0.365*
(0.065)
0.185
(0.085)
Centre (Baseline)
Droite-0.454*
(0.084)
-0.849
(0.108)
0.352
(0.124)
0.315
(0.075)
-0.113
(0.047)
ExtrĂȘme droite-0.671*
(0.119)
-2.189*
(0.193)
-2.120*
(0.144)
0.016*
(0.041)
Observations31,69731,79031,67431,68022,785
RÂČ0.1670.0160.1510.1120.125
Adjusted RÂČ0.1640.0160.1510.1120.125
Residual Std. Error1.910 (df = 3614)9.046 (df = 31747)7.955 (df = 31747)0.988 (df = 31680)1.026 (df = 22735)
Tableau 2B : Confiance politique et comportements de vote en Europe
ESS (2018-2023)
Note : estimations par les moindres carrés ordinaires. La régression contrÎle pour le genre, le revenu, le niveau de diplÎme, avec des effets fixes pour les années et les pays. *p<0.1; p<0.05; ***p<0.01

Ce schĂ©ma est assez diffĂ©rent de la division entre Ă©lecteurs dĂ©mocrates et rĂ©publicains. Comme le vote Trump rassemble des groupes assez diffĂ©rents, nous dĂ©taillons davantage leur niveau de confiance par Ă©ducation et Ăąge, distinguant les non-diplĂŽmĂ©s des diplĂŽmĂ©s universitaires et les jeunes (moins de 45 ans) des plus ĂągĂ©s (plus de 45 ans). Le rĂ©sultat le plus saisissant concerne la diffĂ©rence entre la confiance envers son cercle privĂ© (famille, amis, voisins) et la confiance envers la sociĂ©tĂ© ouverte. Les Ă©lecteurs dĂ©mocrates expriment un niveau de confiance locale beaucoup plus faible que la moyenne, mais un niveau de confiance beaucoup plus Ă©levĂ© que la moyenne envers les Ă©trangers. Le tableau est inversĂ© chez les Ă©lecteurs de Trump. Étonnamment, ce rĂ©sultat s’applique Ă  toutes les gĂ©nĂ©rations et niveaux d’Ă©ducation.

Aux États-Unis

Dans le cas des États-Unis, les Ă©lecteurs de Trump s’opposent Ă  la redistribution des revenus et sont gĂ©nĂ©ralement contre l’intervention de l’État. Ils sont Ă©galement beaucoup moins favorables Ă  l’immigration et beaucoup moins tolĂ©rants Ă  l’Ă©gard des LGBTQ (tableau 3).

Variable expliqué
Satisfaction envers la dĂ©mocratie (1)Immigration bĂ©nĂ©fique Ă  l’économie (2)Culture amĂ©ricaine non-menacĂ©e par l’immigration (3)Couples LGBT autorisĂ©s Ă  adopter (4)RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s par le Gouvernement (5)
Trump1.182*
(0.652)
-0.857
(0.311)
1.128
(0.589)
-1.281
(0.129)
-3.692
(1.414)
Constant4.857*
(2.208)
6.498*
(2.203)
6.643*
(2.229)
10.258*
(1.536)
5.812*
(3.196)
Observations3,0643,6113,6143,2643,264
RÂČ0.0390.0510.0820.1310.131
Adjusted RÂČ0.0370.0490.0800.1280.128
Residual Std. Error2.627 (df = 3056)2.612 (df = 3609)2.298 (df = 3604)4.597 (df = 3259)4.056 (df = 3261)
F Statistic9.327* (df = 8, 3056)24.011* (df = 8, 3609)32.610* (df = 8, 3604)23.466* (df = 8, 3259)68.469* (df = 8, 3261)

Tableau 3 : IdĂ©ologie et comportements de vote aux États-Unis
ANES (2020)
Note : Estimations par les moindres carrés ordinaires.
La régression contrÎle pour le genre, le revenu, le niveau de diplÎme. « 
Trump » est une variable binaire qui vaut 1 lorsque la personne déclare avoir voté Trump aux élections primaires de 2020, et 0 sinon.
*p<0.1; p<0.05; ***p<0.01

Les Ă©lecteurs dĂ©mocrates de 2016 et 2020 (Sanders, Clinton, Biden) se montrent beaucoup plus favorables Ă  l’immigration, aux minoritĂ©s sexuelles, Ă  la redistribution, et beaucoup moins anti-Ă©lites et pro-sĂ©curitĂ© que la moyenne. On voit ainsi se dessiner des valeurs culturelles et Ă©conomiques diamĂ©tralement opposĂ©es. Ce modĂšle d’attitudes est valide indĂ©pendamment des caractĂ©ristiques sociodĂ©mographiques ; il est bien reflĂ©tĂ© par la satisfaction de la vie et la confiance interpersonnelle.

La figure 10 dĂ©taille ces tendances idĂ©ologiques pour les Ă©lections primaires prĂ©sidentielles de 2020. Nous distinguons diffĂ©rentes dimensions idĂ©ologiques : « Nationalisme « est mesurĂ© par des questions sur l’anti-immigration et le protectionnisme, « Progressiste Â» mesure le soutien aux LGBTQ, les actions affirmatives et le contrĂŽle des armes Ă  feu ; « DĂ©penses publiques Â» mesure les attitudes envers les impĂŽts sur les millionnaires, la redistribution des revenus et la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s de revenus ; « Anti-Ă©lite Â» mesure les attitudes nĂ©gatives envers les experts, les scientifiques, les dĂ©putĂ©s et les juges. La confiance institutionnelle mesure la confiance dans les institutions, la science et l’Ă©quitĂ© des Ă©lections. Nous distinguons Ă©galement les attitudes en fonction des caractĂ©ristiques personnelles, ici l’Ă©ducation et la cohorte.

Tendances temporelles

Nous avons ouvert cette Note en Ă©voquant la montĂ©e des votes pour les partis d’extrĂȘme droite et d’extrĂȘme gauche, que nous expliquons par un paradigme reliant les attitudes subjectives et les valeurs Ă©conomiques et culturelles aux votes politiques. Nous nous attendons donc Ă  voir des grandeurs Ă©voluer ensemble au fil du temps

Comme l’illustre la figure 11, nous observons effectivement une forte baisse de la satisfaction Ă  l’Ă©gard de la vie aux États-Unis, dĂ©jĂ  documentĂ©e dans le World Happiness Report 202415. La tendance est moins claire dans le cas de l’Europe occidentale, mais le niveau initial de satisfaction dans la vie y est plus faible. Il est important de souligner que cette baisse de satisfaction moyenne Ă  l’Ă©gard de la vie n’est pas due au revenu. Pour illustrer cela, chaque point de la figure 12 reprĂ©sente la satisfaction moyenne dans la vie et le revenu par habitant, ajustĂ© en fonction de l’inflation, pour une annĂ©e donnĂ©e.

En général, ce type de graphique fait apparaßtre une association positive à court terme entre le revenu et la satisfaction dans la vie, mais une association nulle à long terme16.

Mais dans les annĂ©es 2000, l’association est nĂ©gative ! La tendance temporelle de la satisfaction dans la vie est clairement Ă  la baisse aux États-Unis, bien que le revenu par habitant augmente au fil du temps. Le tableau est similaire en ce qui concerne la plupart des pays europĂ©ens, en particulier depuis les annĂ©es 2020, oĂč, en moyenne, le revenu par habitant augmente, mais le bonheur diminue.

Quant Ă  l’évolution de la confiance sociale, mesurĂ©e par le pourcentage de personnes qui dĂ©clarent pouvoir compter sur quelqu’un en cas de besoin, elle est Ă©galement en nette diminution aux États-Unis et en Europe, avec une baisse de 10 points de pourcentage sur les deux continents au cours de la pĂ©riode. Plus remarquable encore, le pourcentage de personnes qui font confiance aux autres a diminuĂ© de 20 points de pourcentage depuis le dĂ©but des annĂ©es 1970, passant de 50 % Ă  30 %. Les rĂ©sultats sont plus mitigĂ©s en Europe oĂč ils indiquent une stabilitĂ© gĂ©nĂ©rale.

Ces tendances coĂŻncident avec la montĂ©e des partis politiques extrĂȘmes aux États-Unis et en Europe, comme l’illustre la figure 1. La chute de la satisfaction Ă  l’Ă©gard de la vie est associĂ©e Ă  la montĂ©e des votes antisystĂšme. La chute brutale de la confiance sociale aux États-Unis explique que le dĂ©placement des Ă©lecteurs mĂ©contents presque exclusivement vers le candidat de la droite populiste, Donald Trump, et non vers Bernie Sanders par exemple. En revanche, en Europe, la relative stabilitĂ©, en moyenne, de la confiance maintient la division de l’Ă©lectorat insatisfait entre les deux extrĂȘmes opposĂ©s du spectre politique, en fonction de leur niveau de confiance.

Quels sont les groupes de citoyens qui ont connu les variations les plus importantes en matiĂšre de satisfaction de la vie et de confiance sociale ? Les figures 11A et 11B illustrent l’Ă©volution moyenne de la satisfaction Ă  l’Ă©gard de la vie dans diffĂ©rents groupes de population, en termes d’ñge, de sexe, d’Ă©ducation, de situation Ă©conomique et de type de rĂ©sidence. Les groupes dont la satisfaction Ă  l’Ă©gard de la vie a augmentĂ© se situent Ă  droite de la barre verticale en pointillĂ©s (graduation 0).

Le niveau initial de satisfaction dans la vie de chaque groupe au dĂ©but de la pĂ©riode (2006) est mesurĂ© sur l’axe vertical. On constate que la tendance Ă  la baisse de la satisfaction dans la vie est particuliĂšrement marquĂ©e chez les jeunes de moins de 30 ans, en particulier chez les jeunes femmes, tant en Europe occidentale qu’aux États-Unis, comme le soulignait dĂ©jĂ  le World Happiness Report 2024. En ce qui concerne la confiance sociale, la figure 12A montre qu’aux États-Unis, l’Ă©volution est nĂ©gative pour tous les groupes, mais encore plus pour les jeunes de 30 Ă  40 ans.

Les figures 11 et 12 illustrent Ă©galement l’importance des difficultĂ©s financiĂšres. Un gradient trĂšs fort oppose ceux qui vivent confortablement de leurs revenus et ceux qui trouvent cela difficile, voire trĂšs difficile. Le niveau d’Ă©ducation fait Ă©galement une diffĂ©rence. Les personnes ayant un niveau d’Ă©ducation primaire ou secondaire subissent une baisse plus importante de leur satisfaction de vie que celles ayant un niveau d’Ă©ducation supĂ©rieur. Ce sont ces groupes qui ont basculĂ© vers des votes anti-systĂšme.

Conclusion

Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, on constate une baisse parallĂšle de la satisfaction de vie et de la confiance sociale que l’on peut mettre en relation avec la hausse des votes anti-systĂšme. Nous proposons un modĂšle d’interrelations entre trois blocs d’attitudes : (i) la satisfaction Ă  l’Ă©gard de la vie et la confiance sociale, (ii) les valeurs culturelles, politiques et Ă©conomiques, et (iii) le comportement politique tel que le vote. Nous montrons qu’une faible satisfaction dans la vie s’accompagne d’attitudes anti-systĂšme, tandis que c’est le niveau de confiance sociale des gens qui est dĂ©cisif dans leur orientation vers des partis d’extrĂȘme-gauche ou d’extrĂȘme-droite. En Europe, les citoyens peu satisfaits de leur vie et peu confiants dans la sociĂ©tĂ©, les « anomiques Â», ont tendance Ă  voter pour des partis d’extrĂȘme droite. Dans le contexte du bipartisme amĂ©ricain, ils ont tendance Ă  s’abstenir et Ă  se retirer de la vie publique.

La baisse de la satisfaction de vie ne peut s’expliquer par la croissance Ă©conomique, du moins pas par le revenu national moyen, car le revenu par habitant a augmentĂ© aux États-Unis et en Europe occidentale au cours de la pĂ©riode considĂ©rĂ©e, c’est-Ă -dire depuis le milieu des annĂ©es 2000. Elle pourrait davantage ĂȘtre imputĂ©e au sentiment d’insĂ©curitĂ© financiĂšre et de solitude Ă©prouvĂ© par les AmĂ©ricains et les EuropĂ©ens, deux symptĂŽmes d’un tissu social dĂ©gradĂ©. Elle touche presque toutes les catĂ©gories sociales, mais en particulier les ruraux, les moins Ă©duquĂ©s et, de maniĂšre assez saisissante, la jeune gĂ©nĂ©ration. Ce faible niveau de satisfaction dans la vie est un terreau fertile pour le populisme, et le manque de confiance sociale est Ă  l’origine du succĂšs politique des partis d’extrĂȘme droite.

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  15. Helliwell et al., World Happiness Report (2024)
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