Note de l’Observatoire du Bien-être n°2024-07 : Les femmes sont plus inquiètes de l’avenir que les hommes

Les femmes ont, en France, une vision plus sombre que les hommes de l’état des finances de leur ménage, de leur avenir personnel et des perspectives à court et long terme du pays.

Estelle Fuchs, Cepremap

Mathieu Perona, Cepremap

Publié le 17 juin 2024

Introduction

Depuis ses premières vagues, notre baromètre du bien-être en France, révèle le pessimisme des Français quant à leur avenir, individuel (« votre vie dans les prochaines années ») ou collectif (« les perspectives de la prochaine génération »). Nous montrons ici que ce pessimisme est plus prononcé chez les Françaises : les femmes expriment des inquiétudes plus fortes concernant tant la situation économique et financière de la France et de leur ménage que leur bien-être subjectif. Ces résultats sont confirmés à l’aide d’estimations économétriques permettant de raisonner « toutes choses égales par ailleurs ».

Une vision plus sombre de la conjoncture

Les questions relatives à la conjoncture économique montrent que les femmes en France sont plus pessimistes que les hommes. Si 30 % des personnes interrogées pensent que la situation économique de la France au cours des 12 prochains moins va rester stable, les femmes sont 19 % à penser qu’elle va nettement se dégrader, contre 16 % des hommes. Inversement, près de 20 % des hommes anticipent une légère amélioration, contre seulement 15 % des femmes (Figure 1, haut).

On observe le même type de phénomène, quoique moins prononcé, en ce qui concerne les perspectives individuelles. Là aussi, les hommes sont plus enclins à attendre une amélioration de leurs finances, et les femmes une dégradation (Figure 1, deuxième ligne).

Ces différences entre les hommes et les femmes pourraient provenir de situations économiques différentes. En particulier, la plupart des familles monoparentales, financièrement plus précaires, sont composées d’une femme et de ses enfants. Nous vérifions toutefois que dans des situations identiques (âge, diplôme, revenu du ménage, situation d’emploi et secteur d’activité), les femmes ont une probabilité plus élevée de se dire inquiètes quant à l’évolution des finances de leur ménage, et aux perspectives économiques du pays.

L’écart de perception s’étend aussi à l’évolution passée des finances du ménage (Figure 1, lignes du bas). Ici encore, les femmes sont plus nombreuses à déclarer que la situation financière de leur ménage s’est dégradée au cours des 12 derniers mois, et qu’elles « bouclent tout juste leur budget » ou qu’elles « tirent sur les réserves ». On constate ainsi à la fois une vision générale moins favorable de la situation du ménage chez les femmes, qui s’amplifie lorsque les questions portent sur l’avenir.

Ces différences de perception peuvent être expliquées par des rôles sociaux différents et des responsabilités familiales plus lourdes, même à situation matérielle équivalente. L’enquête de l’Observatoire du sens de l’argent de février 2024 montre que les stéréotypes liés à l’argent restent très répandus, notamment au sein des foyers où le genre impacte la nature des décisions. Les femmes déclarent davantage gérer les dépenses en lien avec les enfants, comme la scolarité ou l’argent de poche (19% des femmes contre 13% des hommes). À l’inverse, les hommes déclarent gérer les décisions financières plus importantes (22% des femmes contre 28% des hommes). Concernant le rapport à l’argent, les femmes se sentent en moyenne moins compétentes sur les questions liées à la gestion du budget ou à l’argent de manière générale (73% des hommes se sentent compétents contre 64% des femmes).

À l’appui de cette idée d’un partage différencié de la gestion du budget, on observe que les femmes en couple sont plus inquiètes de l’évolution des finances du ménage que celles qui sont célibataires (et que les hommes). Il en va de même lorsqu’il s’agit de l’avenir économique de la France. Notons qu’en période de forte inflation, l’impact du genre sur l’inquiétude est moins prononcé (les écarts entre hommes et femmes diminuent).

Une vision plus sombre qui pèse sur le bien-être

Les femmes moins satisfaites que les hommes

Quand elles évaluent la vie qu’elles mènent actuellement, les femmes donnent plus souvent que les hommes une note de 0 à 5 (sur l’échelle de 0 à 10), ce qui traduit un sentiment d’insatisfaction plus marqué (Figure 2, haut).

Cette insatisfaction pèse aussi, mais plus légèrement, sur les perspectives d’avenir personnel (Figure 2, bas).

Nous constatons sur ce point un effet de génération. Toujours toutes choses égales par ailleurs, les femmes âgées de plus de 65 ans ont une propension plus forte que les hommes du même âge à être insatisfaites de leur avenir, et cet écart est plus élevé qu’aux autres âges .

Les femmes pessimistes quant aux perspectives de la prochaine génération

Deux questions de notre plate-forme donnent l’occasion de se projeter plus loin, puisqu’elles portent sur les perspectives de la prochaine génération, en France et en Europe hors de France. Sur ces deux dimensions, l’écart entre hommes et femmes est particulièrement marqué, avec une proportion plus forte de femmes qui se positionnent sur le point 0 de l’échelle de réponse, signifiant qu’elles estiment que la vie de la prochaine génération sera bien pire qu’aujourd’hui (Figure 3).

Ici aussi, on relève un effet générationnel. Les hommes les plus âgés sont en moyenne plus optimistes que les plus hommes jeunes concernant les perspectives de la prochaine génération, mais ce n’est pas le cas au sein des femmes.

Conclusion

La perception de l’avenir diffère significativement entre les hommes et les femmes en France, avec une tendance au pessimisme plus marquée chez les femmes, tant sur le plan de la perception de la conjoncture économique que du bien-être subjectif.

Ces résultats soulignent l’importance des rôles sociaux et des responsabilités familiales dans la formation des perceptions économiques et de bien-être. Ils mettent en évidence l’importance de prendre en compte les spécificités de genre dans l’élaboration des politiques économiques et sociales pour mieux répondre aux besoins et aux préoccupations de toute la population.

Annexes

Données

L’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages (Camme) est une enquête de l’Insee qui interroge chaque mois plus de 2 000 ménages sur la conjoncture économique, leur situation financière personnelle ainsi que leurs intentions d’épargne et de consommation. Depuis juin 2016, l’Observatoire du bien-être du CEPREMAP finance une plate-forme additionnelle, trimestrielle, de vingt questions sur le bien-être subjectif.

Dans le cadre de notre partenariat avec l’Insee, nous avons accès aux vagues Camme liées à notre plate-forme quelques jours après leur collecte. L’ensemble des vagues, intégrant les deux plate-formes, sont mises à disposition annuellement par l’Insee et diffusées par Quetelet-Progedo : Enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages (CAMME) – INSEE (producteur), ADISP (diffuseur).

De 2016 à 2021 : doi:10.13144/lil-1176, doi:10.13144/lil-1253, doi:10.13144/lil-1309, doi:10.13144/lil-1373, doi:10.13144/lil-1487, doi:10.13144/lil-1539