Plus qu’un travail

Note
Observatoire du bien-ĂȘtre

Dans la sociĂ©tĂ© française, le travail peut apporter plus qu’un salaire : Ă  certaines professions sont associĂ©s un statut, une considĂ©ration sociale, tandis que d’autres sont stigmatisĂ©es. Au-delĂ  de la relation purement marchande liant travail et salaire, nous observons ainsi des dĂ©calages systĂ©matiques entre le salaire d’une part et la satisfaction dans la vie ou la satisfaction au travail d’autre part.

Ainsi, les cadres du secteur public et les enseignants dĂ©clarent des niveaux de satisfactions plus Ă©levĂ©s que les cadres du privĂ©, malgrĂ© des revenus nettement infĂ©rieurs. Les professions intermĂ©diaires sont trĂšs homogĂšnes en termes de salaire, mais leur satisfaction couvre large Ă©ventail. Parmi les employĂ©s, la satisfaction dans la vie suit assez bien le niveau de salaire, mais recouvre des diffĂ©rences marquĂ©es dans la satisfaction au travail. Le monde ouvrier se caractĂ©rise par de forts clivages, avec une insatisfaction importante des ouvriers non qualifiĂ©s et des ouvriers qualifiĂ©s de l’industrie. Parmi les indĂ©pendants, les artisans se caractĂ©risent par une faible satisfaction dans la vie, mais une forte satisfaction au travail au regard de leur niveau de revenu.

Lorsqu’on neutralise tant le revenu que les autres Ă©lĂ©ments connus pour affecter la satisfaction – sexe, diplĂŽme, nombre d’heures travaillĂ©es, Ăąge, etc., ces diffĂ©rences restent substantiellement les mĂȘmes, ce qui suggĂšre que ces Ă©carts sont liĂ©s aux conditions d’exercice des professions non compensĂ©es par le salaire, et aussi par la considĂ©ration sociale dont chaque mĂ©tier bĂ©nĂ©ficie. Il est possible sur cette base de construire un Ă©quivalent monĂ©taire du surplus ou du dĂ©faut de satisfaction attachĂ© Ă  chaque profession. Selon cette mĂ©trique, le supplĂ©ment de satisfaction des cadres de la fonction publique Ă©quivaut Ă  50 % de leurs revenus.

Ces constats contrastent Ă©videmment la crise de recrutement que traversent de nombreux mĂ©tiers de la fonction publique. Il est possible que la crise du Covid-19 ait accĂ©lĂ©rĂ© une Ă©volution des reprĂ©sentations des conditions d’exercice de certains mĂ©tiers, dans le secteur public en particulier, conduisant Ă  une rĂ©duction du surplus de satisfaction attachĂ© Ă  leur exercice.

Mathieu Perona, Cepremap

Publié le 06 juin 2023

Plus qu’un gagne-pain

De nombreux travaux soulignent que l’activitĂ© professionnelle apporte dans nos sociĂ©tĂ©s plus qu’un revenu. Elle dĂ©finit en partie notre position sociale, crĂ©e des liens personnels, et contribue au sens gĂ©nĂ©ral que nous donnons Ă  notre vie. Dans la sphĂšre professionnelle au sens plus restreint, l’attrait d’une profession ne se limite souvent pas au seul salaire : sens du travail, flexibilitĂ©, sĂ©curitĂ©, reconnaissance sont autant de caractĂ©ristiques qui influent sur les choix de carriĂšre – et qui sont difficiles Ă  mesurer, donnant lieu Ă  des reprĂ©sentations parfois contradictoires. Une rĂ©cente Ă©tude britannique a quantifiĂ© ces avantages hors rĂ©munĂ©ration des professions (Cotofan, Layard, et Clark 2021). Mettant en regard la satisfaction dans la vie et le salaire moyen, elle met en Ă©vidence que l’échelle de salaire ne reflĂšte que trĂšs imparfaitement la satisfaction liĂ©e aux diffĂ©rentes professions.

Nous adoptons ici la mĂȘme dĂ©marche sur le cas français, oĂč nous montrons de mĂȘme que l’exercice de certaines professions est associĂ© Ă  un niveau de satisfaction plus Ă©levĂ© que ce que voudrait leur niveau de revenu – et inversement, que le salaire ne compense pas toujours la pĂ©nibilitĂ©.

Avertissement sur la mesure des revenus

Avant de regarder les rĂ©sultats, un point de mĂ©thode qui a son importance. Nous utilisons pour ce travail l’enquĂȘte Statistique sur les Revenus et les Conditions de Vie de l’Insee. L’unitĂ© de base de cette enquĂȘte Ă©tant le mĂ©nage, nous ne disposons pas des revenus individuels, mais de ceux Ă  l’échelle du mĂ©nage. D’un cĂŽtĂ©, cela distend quelque peu la relation entre profession et revenus mesurĂ©s, mais d’un autre cĂŽtĂ©, cela permet de prendre en compte les arbitrages professionnels au sein du couple, lorsqu’un conjoint conditionne en partie son activitĂ© Ă  celle de l’autre membre du couple. Avec environ 10 000 mĂ©nages par an, SRCV constitue une source trĂšs riche d’informations sur les mĂ©nages. Toutefois, quelques professions ne sont pas reprĂ©sentĂ©es en effectifs suffisants pour que nous puissions les prendre en compte. Nous excluons donc de cette analyse les chefs d’entreprise de plus de 10 salariĂ©s ainsi que les membres du clergĂ©. Naturellement, l’analyse est restreinte aux personnes actuellement en emploi.

Le concept de revenu utilisĂ© est celui de revenu disponible, qui intĂšgre l’ensemble des revenus d’activitĂ© et des prestations sociales, auxquels on retranche les impĂŽts directs. SRCV bĂ©nĂ©ficie d’un appariement avec les systĂšmes administratifs pour s’assurer que tous les revenus connus sont bien pris en compte.

Dans quelles professions est-on le plus satisfait de sa vie ?

Nous avions montrĂ© dans de prĂ©cĂ©dents travaux que la satisfaction dans la vie est largement liĂ©e au revenu. Autour de cette relation moyenne, nous constatons une dispersion visible selon les professions exercĂ©es (Figure 1).

En haut de l’échelle, les cadres et professions intellectuelles (qui correspondent grossiĂšrement au terme usuel de CSP+) affichent des niveaux de revenu (du mĂ©nage) supĂ©rieurs aux autres catĂ©gories socio-professionnelles – Ă  l’exception notable des artistes et journalistes1, dont les conditions de travail sont diffĂ©rentes (intermittence, prĂ©caritĂ© pour toute une partie de ces professions). Leur satisfaction dans la vie est en moyenne aussi plus Ă©levĂ©e. Cependant, l’échelle de satisfaction ne suit pas totalement celle des revenus : les cadres de la fonction publique affichent le niveau de satisfaction moyen le plus Ă©levĂ©, alors que leur revenu moyen est infĂ©rieur de 15% Ă  celui des cadres du privĂ© et de 30% Ă  celui des professions libĂ©rales.

Autour du revenu moyen dans notre Ă©chantillon (45 000 € par an pour un mĂ©nage), les professions intermĂ©diaires se caractĂ©risent par des revenus trĂšs comparables, mais des niveaux de satisfaction dans la vie assez variables, la moyenne allant de 7,54 pour les techniciens Ă  presque 7,75 pour les professeurs des Ă©coles. Pour mettre cet Ă©cart en perspective, regardons sur le graphique Ă  quelle diffĂ©rence de revenu correspond en moyenne cet Ă©cart de satisfaction (courbe grise) : la satisfaction de vie est Ă  7,50 pour un revenu de 45 000 â‚Ź, et Ă  7,75 pour un revenu de 65 000 â‚Ź.

Les ouvriers et employĂ©s occupent sur ce diagramme un espace commun, avec des revenus en moyenne infĂ©rieurs au revenu mĂ©dian, et une satisfaction dans la vie infĂ©rieure Ă  la moyenne. Dans le monde ouvrier, on observe un clivage important entre les ouvriers qualifiĂ©s, en moyenne plus satisfaits, et les ouvriers non-qualifiĂ©s, moins satisfaits malgrĂ© des niveaux de revenus trĂšs similaires. C’est particuliĂšrement le cas pour les ouvriers qualifiĂ©s de l’artisanat, qui affichent les revenus moyens parmi les plus faibles, mais la satisfaction la plus Ă©levĂ©e de leur groupe social.

Les petits indĂ©pendants – artisans, commerçants et agriculteurs – ont en commun une satisfaction dans la vie infĂ©rieure Ă  ce que voudrait leur niveau de revenu. L’écart est particuliĂšrement marquĂ© pour le monde agricole, alors que les niveaux de revenu varient plus que du simple au double selon la taille de l’exploitation, et chez les commerçants.

Au-dessous de la courbe de relation moyenne, nous constatons une prĂ©sence forte des agents de catĂ©gorie A de la fonction publique : cadres, professeurs du primaire2, du secondaire et du supĂ©rieur. Cet avantage du public ne semble toutefois pas s’étendre aux professions intermĂ©diaires et aux employĂ©s de la fonction publique (grossiĂšrement parlant, les catĂ©gories B et C de la fonction publique).

Satisfaction au travail

Dans l’ensemble, la relation entre revenus et satisfaction au travail confirme l’image donnĂ©e par la satisfaction dans la vie : satisfaction plus Ă©levĂ©e dans la fonction publique, surtout parmi les cadres, mais aussi positionnement plus favorable des professions intermĂ©diaires et des employĂ©s de la fonction publique (Figure 2). On relĂšve qu’à l’aune de la satisfaction vis-Ă -vis du travail, CSP+ et professions intermĂ©diaires font jeu Ă©gal, malgrĂ© des diffĂ©rences de revenus trĂšs importants.

En termes de satisfaction au travail, le monde ouvrier est encore plus divisĂ© que pour la satisfaction dans la vie. La ligne de sĂ©paration ne suit plus le niveau de qualification, puisque les ouvriers qualifiĂ©s de l’industrie, souvent soumis Ă  de nombreux facteurs de pĂ©nibilitĂ©, sont plus proches des ouvriers non qualifiĂ©s de l’artisanat ou de la logistique que des ouvriers qualifiĂ©s de l’artisanat ou des ouvriers agricoles. La pĂ©nalitĂ© liĂ©e au monde industriel se lit Ă©galement dans la faible satisfaction des ouvriers non qualifiĂ©s de l’industrie, qui Ă  6,8 affichent le niveau le plus bas du graphique. En termes d’effectifs, cela correspond Ă  une trĂšs large part du monde ouvrier touchĂ© par une grande insatisfaction au travail.

Quant aux indĂ©pendants, alors qu’ils affichaient une satisfaction dans la vie plutĂŽt mĂ©diocre, les artisans ont en moyenne une satisfaction vis-Ă -vis de leur travail Ă©levĂ©e, comparable Ă  celle des cadres de la fonction publique. La position des agriculteurs sur grande exploitation vis-Ă -vis de leur travail est Ă©galement plus positive que leur satisfaction Ă  l’égard de leur vie en gĂ©nĂ©ral. S’ils restent relativement peu satisfaits au regard de leur niveau de revenu, les commerçants se rapprochent de la relation moyenne, tout comme les agriculteurs sur petite ou moyenne exploitation.

Quel effet net de la profession ?

Nous savons que le revenu et la situation professionnelle ne sont pas, loin s’en faut, les seuls Ă©lĂ©ments constitutifs de la satisfaction dans la vie, ou mĂȘme au travail. L’ñge, le sexe, la situation matrimoniale ou le niveau d’éducation constituent autant de facteurs discriminants. Ces Ă©lĂ©ments varient beaucoup d’une profession Ă  l’autre. Dans le domaine du travail, le nombre d’heures travaillĂ©es constitue un Ă©lĂ©ment de contraste supplĂ©mentaire. Nous allons donc ici neutraliser les caractĂ©ristiques connues des individus, pour raisonner « toutes choses Ă©gales par ailleurs Â» : nous neutralisons l’effet de tous ces Ă©lĂ©ments, ainsi que celui du revenu. Ce raisonnement implique de choisir une catĂ©gorie de rĂ©fĂ©rence. Ici, ce sera celle des employĂ©s administratifs d’entreprise, Ă  la fois nombreuse et proche de la moyenne, tant en satisfaction dans la vie qu’en termes de revenu moyen.

Cette analyse (Figure 3) met en Ă©vidence une contribution limitĂ©e des diffĂ©rences de composition. L’écart entre les employĂ©s du privĂ© et les professeurs des Ă©coles reste ainsi de l’ordre de 0,25 points. La neutralisation du revenu fait apparaĂźtre encore plus nettement l’avantage des mĂ©tiers de catĂ©gorie A de la fonction publique, et l’insatisfaction du monde ouvrier – mais aussi des employĂ©s de la fonction publique et des employĂ©s de commerce par rapport aux employĂ©s administratifs d’entreprise.

Le tableau est le mĂȘme en ce qui concerne la situation au travail (Figure 4). La distribution est dĂ©calĂ©e, avec plus d’effets positifs, en raison de l’insatisfaction au travail relative de notre catĂ©gorie de rĂ©fĂ©rence, les employĂ©s administratifs d’entreprise. L’insatisfaction vis-Ă -vis du travail du monde ouvrier est plus saillante, tandis que les employĂ©s de la fonction publique se retrouvent globalement mieux positionnĂ©s qu’au regard de la satisfaction dans la vie. De nouveau, les artisans affichent un niveau de satisfaction au travail Ă©levĂ©, toutes choses Ă©gales par ailleurs. Nous relevons que les cadres d’entreprise et ingĂ©nieurs du privĂ© affichent une satisfaction nette trĂšs similaire Ă  celle de leurs collĂšgues employĂ©s ou relevant des professions intermĂ©diaires : dans ce domaine, il semble que les Ă©carts de salaire expliquent l’essentiel des Ă©carts de satisfaction.

La Figure 5 propose une reprĂ©sentation croisĂ©e de l’effet moyen de la profession sur la satisfaction dans la vie et la satisfaction au travail, toutes choses Ă©gales par ailleurs. À l’intersection centrale, notre point de rĂ©fĂ©rence, les employĂ©s administratifs d’entreprise. Le cadran nord-est regroupe les professions ayant un effet sur la satisfaction dans la vie infĂ©rieur Ă  celui que connaissent les employĂ©s administratifs d’entreprise, mais un effet sur la satisfaction au travail supĂ©rieur. Dans le cadran supĂ©rieur droit, on retrouve les professions du secteur public, qui apportent un supplĂ©ment de satisfaction dans les deux domaines. Le croisement des deux dimensions montre que l’avantage du secteur public, trĂšs visible sur les professions de catĂ©gorie A, concerne aussi les professions intermĂ©diaires, ainsi que les policiers et militaires. Le cadran infĂ©rieur gauche rĂ©sume le mal-ĂȘtre d’une large partie du monde ouvrier, mais aussi des employĂ©s de commerce.

Rendements totaux

Dans l’esprit de l’étude dont s’inspire cette note, il est possible de calculer un Ă©quivalent monĂ©taire de la satisfaction moyenne attachĂ©e Ă  chaque profession, en plus et au-delĂ  de ce qui est attribuable au revenu. Dans le calcul « toutes choses Ă©gales par ailleurs Â», le coefficient attachĂ© au revenu indique la sensibilitĂ© de la satisfaction dans la vie par rapport au revenu. Cette sensibilitĂ© n’est pas la mĂȘme selon le revenu dont on dispose dĂ©jĂ  : 200 â‚Ź supplĂ©mentaires ont beaucoup plus d’impact si on gagne 800 â‚Ź par mois que si on en gagne dĂ©jĂ  1 800 â‚Ź. La relation se comprend donc mieux de maniĂšre relative. Nous estimons Ă©conomĂ©triquement qu’une augmentation de 10% du revenu entraĂźne en moyenne un gain de 0,044 points de satisfaction dans la vie. Nous pouvons alors calculer un Ă©quivalent monĂ©taire du supplĂ©ment ou du dĂ©faut de satisfaction liĂ© Ă  l’exercice de chaque profession. Pour la Figure 6, nous ajoutons cet Ă©quivalent au revenu moyen de la catĂ©gorie, afin de produire une nouvelle Ă©chelle des rendements totaux. Le fait d’avoir choisi les employĂ©s administratifs d’entreprise comme rĂ©fĂ©rence suppose que chez ces derniers, satisfaction et revenus sont alignĂ©s – ce qui est trĂšs proche d’ĂȘtre le cas.

La Figure 6 montre que les professions libĂ©rales dominent Ă  la fois l’échelle des revenus et celle des rendements totaux. Viennent ensuite les cadres de la fonction publique ainsi que les enseignants du secondaire et du supĂ©rieur, pour lesquels l’équivalent monĂ©taire du surplus de satisfaction reprĂ©sente une fraction importante des rendements totaux – dans les deux cas, l’équivalent d’une augmentation de 50% de leurs revenus. Inversement, les ouvriers subissent une pĂ©nalitĂ©, qui s’applique en outre Ă  des niveaux de revenus nettement moins Ă©levĂ©s. Ainsi, la pĂ©nalitĂ© chez les ouvriers non qualifiĂ©s de l’industrie a pour Ă©quivalent monĂ©taire une rĂ©duction de 16 500 €, alors que le revenu annuel moyen de leur mĂ©nage est de 34 000 € : la pĂ©nalitĂ© est Ă©quivalente Ă  50% du revenu, indiquant que la rĂ©munĂ©ration ne compense pas les facteurs d’insatisfaction – on pense d’abord Ă  la pĂ©nibilitĂ© – propres Ă  cette catĂ©gorie.

Un bĂ©nĂ©fice fragile du service public ?

Le niveau Ă©levĂ© de satisfaction dans la vie et au travail des enseignants est surprenant si on le rapproche des rĂ©sultats inquiĂ©tants du BaromĂštre du bien-ĂȘtre des personnels de l’éducation nationale (RadĂ© 2022) que nous avons contribuĂ© Ă  concevoir : une Ă©valuation de la satisfaction au travail Ă  6,0 sur 10 en moyenne, marquĂ©e par une grande insatisfaction Ă  l’égard du salaire, des perspectives de carriĂšre et le sentiment d’exercer un mĂ©tier dĂ©valorisĂ© par la sociĂ©tĂ©. La premiĂšre vague du baromĂštre a Ă©tĂ© collectĂ©e au printemps 2022, dans le sillage de l’épidĂ©mie de Covid-19, si bien que ces mauvais rĂ©sultats doivent peut-ĂȘtre au contexte sanitaire et aux bouleversements engendrĂ©s par la gestion de la pandĂ©mie.

Pour y voir plus clair, nous proposons dans la Figure 7 les rĂ©ponses moyennes selon l’annĂ©e d’enquĂȘte, jusqu’en 2020, derniĂšre annĂ©e actuellement disponible. Le plus faible nombre de rĂ©ponses implique plus d’incertitude autour de la valeur de la moyenne, ainsi que l’indiquent les barres verticales.

En ce qui concerne la satisfaction dans la vie, nous observons sur les derniĂšres annĂ©es une baisse du bien-ĂȘtre moyen des professeurs des Ă©coles, alors que celui de leurs collĂšgues du secondaire et du supĂ©rieur est plutĂŽt bien orientĂ©. Dans le mĂȘme temps, celui des cadres du privĂ©, que nous avons inclus ici comme groupe de comparaison, progresse nettement.


Figure 7
En ce qui concerne la satisfaction au travail, nous observons une baisse marquĂ©e en 2020. Il faut restituer ce mouvement dans le contexte de la pandĂ©mie : l’enquĂȘte SRCV 2020 est menĂ©e entre fĂ©vrier et avril, et le premier confinement en France mĂ©tropolitaine s’est Ă©talĂ© du 17 mars au 10 mai. On peut donc penser que, comme c’est le cas pour les premiers rĂ©sultats connus du millĂ©sime 2021, le contexte de confinement a pesĂ© sur l’apprĂ©ciation d’un travail brutalement transformĂ© en travail Ă  distance3.

Seul le temps nous permettra d’inscrire dans un contexte plus large les rĂ©sultats de la premiĂšre vague du baromĂštre de l’Éducation nationale. L’ampleur des variations indique toutefois que les gains de bien-ĂȘtre liĂ©s Ă  l’exercice d’une profession peuvent Ă©voluer fortement avec le contexte : la recherche montre comment l’évolution des conditions d’exercice, la perte de sens ou de considĂ©ration peuvent venir affecter rapidement et massivement la satisfaction au travail et par ricochet la satisfaction dans la vie. Or, le poids du supplĂ©ment de satisfaction dans le rendement total que nous mesurons pour les catĂ©gories A de la fonction publique, Ă  commencer par les enseignants, implique qu’une perte de cet avantage rend trĂšs rapidement ces mĂ©tiers peu intĂ©ressants au regard des alternatives, ce qui peut se traduire par une crise de recrutement comme celle que nous connaissons actuellement.

Bibliographie

Cotofan, Maria, Richard Layard, et Andrew Clark. 2021. « The true returns to the choice of occupation and education Â». LSE Research Online Documents on Economics. London School of Economics and Political Science, LSE Library. https://econpapers.repec.org/paper/ehllserod/114354.htm.

Perona, Mathieu. 2022. « L’écueil du point de donnĂ©es : la satisfaction dans la vie en 2021 Â». Billet. Carnet de l’Observatoire du Bien-ĂȘtre du CEPREMAP (blog). 12 dĂ©cembre 2022. https://obe.hypotheses.org/563.

RadĂ©, Émilie. 2022. « Premiers rĂ©sultats du BaromĂštre du bien-ĂȘtre au travail des personnels de l’Éducation nationale exerçant en Ă©tablissement scolaire Â». NI 22.31. Note d’information. Paris: Direction de l’Évaluation, de la Performance et de la Porspective, MinistĂšre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse. https://www.education.gouv.fr/premiers-resultats-du-barometre-du-bien-etre-au-travail-des-personnels-de-l-education-nationale-343238.

Données

L’enquĂȘte Statistique sur les Ressources et Conditions de Vie des mĂ©nages est une enquĂȘte annuelle de l’Insee. 16 000 logements sont concernĂ©s, avec une enquĂȘte en face-face sur les revenus, la situation financiĂšre et les conditions de vie des mĂ©nages. Il s’agit d’une enquĂȘte en panel tournant, renouvelĂ© par neuviĂšme chaque annĂ©e avant 2019, part quart depuis.

En raison de l’important travail statistique requis pour sa mise en forme et la dĂ©termination des pondĂ©rations, elle est habituellement disponible dans l’annĂ©e suivant celle de la collecte.

Les vagues que nous utilisons sont diffusées par Quetelet-Progedo (2010 à 2020). doi:10.13144/lil-0747, doi:10.13144/lil-0826, doi:10.13144/lil-0901, doi:10.13144/lil-0988, doi:10.13144/lil-1090, doi:10.13144/lil-1180, doi:10.13144/lil-1224, doi:10.13144/lil-1304, doi:10.13144/lil-1374, doi:10.13144/lil-1441, doi:10.13144/lil-1524.

MĂ©thodes

ModĂšles

Pour les approches en rĂ©gression, nous avons rĂ©gressĂ© en moindres carrĂ©s ordinaires la satisfaction dans la vie (resp. la satisfaction au travail) sur les caractĂ©ristiques suivantes :

ConceptDescriptionVariableRéférence
RevenusRevenu disponible du ménage, en loghy020N/A
ÂgeÂge de la personne (quinquennal)ageq45 à 49 ans
SexeSexe de la personnesexeMasculin
DiplĂŽmeDiplĂŽme le plus Ă©levĂ© obtenu2010-2013 : dip14 2014-2020 : dipdetBac gĂ©nĂ©ral
Type de ménageComposition du ménage (adultes, enfants,
)hx060Personne seule
CSPCatĂ©gorie socio-professionnelle dĂ©taillĂ©ecs42EmployĂ©s administratifs d’entreprise
Heures de travailNombre d’heures travaillĂ©es par semaine, par tranches de 5 heuresnbhprEntre 30 et 35 heures
PondĂ©rationsPondĂ©rations d’enquĂȘtespb040
AnnĂ©e d’enquĂȘte
aenq

Nomenclature des professions

Pour des raisons d’affichage sur la graphique, nous avons simplifiĂ© le libellĂ© des professions. Le tableau ci-dessous donne les correspondances avec les modalitĂ©s officielles de la variable cs42 de SRCV.

11Agriculteurs sur petite exploitationAgriculteurs P.
12Agriculteurs sur moyenne exploitationAgriculteurs M.
13Agriculteurs sur grande exploitationAgriculteurs G.
21ArtisansArtisans
22Commerçants et assimilésCommerçants
31Professions libéralesProfessions libérales
33Cadres de la fonction publiqueCadres de la fonction publique
34Professeurs, professions scientifiquesProfesseurs
35Professions de l’information, des arts et des spectaclesArtistes et journalistes
36Cadres d’entrepriseCadres d’entreprise
38IngĂ©nieurs et cadres techniques d’entrepriseIngĂ©nieurs
42Professeurs des Ă©coles, instituteurs et assimilesProfesseurs des Ă©coles
43Professions intermédiaires de la santé et du travail socialProfessions int. santé et travail social
45Professions intermédiaires administratives de la fonction publiqueProfessions int. la fonction publique
46Professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprisesProfessions int. des entreprises
47TechniciensTechniciens
48ContremaĂźtres, agents de maĂźtriseContremaĂźtres
52Employés civils et agents de service de la fonction publiqueEmployés de la fonction publique
53Policiers et militairesPoliciers et militaires
54EmployĂ©s administratifs d’entrepriseEmployĂ©s d’entreprise
55Employés de commerceEmployés de commerce
56Personnels des services directs aux particuliersServices directs aux particuliers
62Ouvriers qualifies de type industrielOuvriers (industrie)
63Ouvriers qualifies de type artisanalOuvriers (artisanat)
64ChauffeursChauffeurs
65Ouvriers qualifies de la manutention, du magasinage et du transportOuvriers (logistique)
67Ouvriers non qualifies de type industrielOuvriers non qualifiés (industrie)
68Ouvriers non qualifies de type artisanalOuvriers non qualifiés (artisanat)
69Ouvriers agricolesOuvriers agricoles
  1. Cette catĂ©gorie inclut ici aussi les professions techniques de l’information, des arts et des spectacles.
  2. Depuis 1989, les enseignants du primaire sont recrutés au niveau licence, et depuis 2005 au niveau Master, ce qui les range dans la Catégorie A de la fonction publique.
  3. Un problĂšme similaire se posera pour la vague 2021. Ainsi que nous l’avons relevĂ© (Perona 2022), la collecte de SRCV pour l’annĂ©e 2021 a eu lieu autour du troisiĂšme confinement en France mĂ©tropolitaine. Cette date marque un point bas dans nos chroniques trimestrielles, ce qui suggĂšre que les rĂ©sultats de SRCV peuvent ne pas ĂȘtre reprĂ©sentatifs de la maniĂšre dont a Ă©tĂ© perçue l’annĂ©e dans son ensemble, et porter la marque d’une des pĂ©riodes les plus mal vĂ©cues de la pĂ©riode rĂ©cente.