Note de l’Observatoire du Bien-être n°2021-08 : Le Bien-être des Français – Septembre 2021

Après 18 mois de hauts et de bas au gré de l’épidémie de Covid-19, les indicateurs du bien-être subjectif en France semblent se stabiliser à un niveau comparable à celui d’avant l’épidémie. Certains, comme le sentiment d’être heureux ou la satisfaction à l’égard du niveau de vie, restent même à des niveaux plus élevés.

Ces évolutions recouvrent toutefois des dynamiques contrastées. Alors que la satisfaction à l’égard du temps libre est meilleure que ce qu’elle était avant la pandémie chez les hommes, elle reste inférieure chez les femmes. Dans le même temps, les moins de 45 ans expriment une satisfaction plus élevée que le trimestre dernier sur plusieurs dimensions-clefs, où l’évaluation faite par les 45-65 ans est plutôt en berne.

L’appréciation de l’avenir collectif, à l’échelle de la France ou de l’Europe, avait été relativement peu affectée par l’épidémie. Elle continue ce trimestre une tendance longue à la dégradation.

Mathieu Perona, Observatoire du Bien-être du Cepremap, mathieu.perona@cepremap.org

Notre tableau de bord de juin dernier était dominé par un sentiment de soulagement teinté d’optimisme. La rentrée de septembre marque le retour à une forme de normalité après les montagnes russes des 18 mois précédents. Les principaux indicateurs se stabilisent à un niveau proche ou un peu au-dessus de leur niveau moyen. L’avenir collectif fait toutefois l’objet d’une inquiétude nouvelle1.

Tableau de bord

Comme le mois dernier, notre comparaison habituelle des niveaux de bien-être avec ceux de l’année précédente (Tableau 1) est affectée par le fait que septembre 2020 était pour la plupart des métriques un point assez haut, dans l’élan du soulagement après le premier confinement. Nous ajoutons donc à nouveau la comparaison avec le trimestre précédent.

2021-08-Tableau de bord OBE

Juin 2021
DimensionsRéponse moyenne (0 à 10)
Grandes dimensions**20202021
Sept.JuinSept.
Satisfaction de vie→↗6,86,66,7
Sens de la vie↘→7,37,17,0
Bonheur→→7,17,37,1
Anxiété et dépression*→→1,91,81,9
Santé →→6,96,96,9
Niveau de vie↘→6,86,76,7
Comparaison avec les autres ↘→6,86,66,6
Année dernière↘→6,85,95,9
Perception de l’avenir
Vie future (personnelle)→→6,16,16,0
Prochaine génération France↘↘4,14,03,9
Prochaine génération Europe↘↘4,24,24,1
Proches et environnement
Relations avec les proches→→8,38,28,2
Gens sur qui compter→→7,67,77,7
Sentiment de sécurité→→7,27,27,2
Agression ressentie*→↗1,61,71,5
Travail et temps de vie
Satisfaction au travail↘→7,47,27,1
Relations de travail→→7,17,07,1
Équilibre des temps de vie↘→6,16,05,8
Temps libre↘→6,86,66,6
Les flèches indiquent les améliorations ou dégradations par rapport au même mois l’année précédente. Les flèches grises indiquent que la variation n’est pas significative au seuil de 5 %.
* Pour l’anxiété et l’agression, un score plus haut indique un niveau d’anxiété ou d’agression plus élevé
** La première flèche indique l’évolution par rapport à l’année précédente, la deuxième flèche l’évolution par rapport au trimestre précédent

Là où de nombreux indicateurs apparaissent en repli par rapport à septembre 2020, ils sont stables par rapport à juin dernier. Certains sont même en progression, comme l’évaluation de la satisfaction dans la vie, qui s’établit un peu au dessus de son niveau moyen depuis 2016 (Figure 1).

Figure 1. Dans tous les graphiques de cette Note, les barres grises indiquent les périodes de confinement en France métropolitaine

Un souvenir encore frais

Plusieurs indicateurs reviennent peu ou prou à leur niveau habituel : santé ressentie, comparaison avec les autres Français, travail. Cependant, l’épidémie semble avoir laissé des traces dans les représentations et affecté durablement l’évaluation que les Français font de leur situation. Bien qu’en repli par rapport à juin 2020, la satisfaction quant au niveau de vie reste plus élevée que sur toute la période 2017-2019. De même, le sentiment d’avoir été heureux la veille reste à un niveau élevé. Ce n’est plus l’euphorie, mais le retour partiel à une forme de normalité est vécu en soi comme un processus positif. Il faut dire que l’appréciation de l’année passée reste particulièrement sévère (Figure 2).

Figure 2

Tant que l’évaluation du passé immédiat restera déprimée, nous nous attendons à ce que celle du présent soit, par effet de contraste, plus favorable. Certaines évolutions, comme celle du niveau de vie, ne semblent cependant pas relever uniquement de la comparaison : du fait des mesures d’urgence, l’impact de la crise sur le niveau de vie des Français a été limité. Nous suivrons donc avec attention les évolutions dans les trimestres à venir afin de voir si la crise à conduit à une ré-évaluation durable de certains aspects.

C’est déjà dans cet esprit qu’en décembre 2020 (Note 2021-01), nous avions commencé une comparaison régulière entre la satisfaction dans la vie et l’indice synthétique de confiance des ménages de l’Insee, qui résume l’opinion des ménages quant à leur situation financière actuelle et à leurs perspectives dans un avenir proche. Nous avions alors constaté que la satisfaction dans la vie connaissait une évolution très différente de l’indicateur synthétique. Selon nous, cela révélait l’importance des relations sociales dans le bien-être à un moment où elles étaient empêchées et où les mesures de soutien de l’économie écartaient la perspective d’une crise de grande ampleur. Depuis le printemps, les deux indicateurs évoluent de manière assez parallèle (Figure 3). Sur les trois derniers mois toutefois, l’indice synthétique de confiance est assez stable alors que la satisfaction de vie s’améliore.

Figure 3

Équilibre des temps de vie : des écarts selon le genre

Les évaluations de l’équilibre des temps de vie et du temps libre avaient connu en juin une amélioration, après un point bas début 2021 – dans un contexte encore marqué par de nombreuses restrictions. L’appréciation du temps libre se maintient en septembre à son niveau de juin, lui-même comparable au niveau d’avant pandémie.

Avant la pandémie, les hommes évaluaient plus positivement que les femmes leur temps libre. Cet écart a disparu sur les premiers trimestres de la pandémie, puis est revenu en décembre 2021, l’évaluation des femmes se dégradant encore plus que celle des hommes (Figure 4). Dans le contexte de restrictions d’activités et de fermeture de classes, cet écart s’inscrivait en cohérence des nombreux travaux montant que les femmes ont dû plus que les hommes jongler entre leur vie professionnelle et les contraintes du moment, au prix de leur temps personnel. La persistance de cet écart pendant l’été et à la rentrée pose alors la question de l’adaptation à la généralisation du télétravail.

Figure 4

Cet écart d’appréciation sur le temps libre n’assombrit cependant pas l’évaluation générale que les femmes font de leur vie. Sur cette question, l’écart observé ces deux derniers trimestres a pratiquement disparu. Entre juin et septembre, l’évaluation de leur vie par les hommes est restée stable alors que celle des femmes a significativement progressé.

Contrastes entre générations

Au-delà des évolutions moyennes, nous observons des dynamiques contrastées entre générations(note]En raison de la taille assez faible de l’échantillon, nous ne pouvons raisonnablement faire que trois catégories d’âge.[/note]. Les moins de 45 ans offrent des réponses nettement plus positives qu’en juin sur des dimensions-clef. Leur satisfaction de vie, leur sentiment d’être heureux, leur niveau de vie ou les relations avec leurs proches (Figure 5) connaissent une embellie significative. Il est possible que les jeunes bénéficient de la réouverture des lieux et activités de sociabilité ainsi que d’un certain nombre d’opportunités d’emploi et d’études que les mesures sanitaires avaient réduites.

Figure 5

Inversement, plusieurs dimensions-clef son évaluées moins positivement par les 45 à 65 ans. Ces derniers sont moins satisfaits qu’en juin de leur niveau de vie, de leur travail et de l’équilibre des temps de vie2.

Un avenir collectif bien sombre

Depuis le début de notre enquête, les perspectives de la prochaines génération, en France comme en Europe, sont envisagées de manière très négative par les Français. Si la crise des Gilets jaunes avait marqué un point bas ponctuel dans les appréciations de l’avenir en France, les perspectives européennes se sont assez régulièrement dégradées. Sur le dernier trimestre, les réponses à ces deux questions se dégradent à nouveau. L’appréciation de ce que vivra la prochaine génération en France se rapproche du nadir de décembre 2018 (Figure 6).

Figure 6


Quand l’avenir est envisagé à l’échelle de l’Europe (hors France), les évaluations atteignent leur point le plus bas depuis le début de notre enquête (Figure 7). Alors que ces évaluations sont assez hiérarchisées selon le niveau de revenu – les plus riches étant les pus optimistes – nous relevons ce mois-ci une dégradation plus marquée de l’appréciation des classes moyennes, qui deviennent plus pessimistes que le tiers de la population aux revenus les plus modestes.

Figure 7

Chez les ménages aux revenus les plus faibles, c’est le sens de la vie qui connaît une évolution plus défavorable que dans les autres catégories de la population. On peut imaginer que la valorisation des métiers de la « première ligne » pendant les mois de la pandémie s’efface avec un retour à une forme de normalité.

  1. Comme chaque trimestre, vous pouvez retrouver l’ensemble de nos indicateurs sur notre Tableau de bord en ligne.
  2. Les graphiques relatifs à ces dimensions sont présentés dans notre Tableau de bord en ligne.