Note de l’Observatoire du Bien-être n°2020-06 : Le Bien-être des Français – Juin 2020

Réalisé au tout début du mois de juin, notre baromètre trimestriel a pris la photo d’une France en train de sortir du confinement imposé par l’épidémie de covid-19. Dans ce contexte, les indicateurs de bien-être sont pratiquement tous en hausse par rapport à leur niveau de mars 2019. Pour plusieurs d’entre eux, dont des métriques centrales comme la satisfaction dans la vie, la santé subjective ou le sentiment de bonheur, nous observons les niveaux les plus élevés depuis le début de notre enquête, il y a maintenant quatre ans. Cette amélioration de la situation ressentie touche l’ensemble des classes sociales.

Les répondants sont aussi nettement plus optimistes quant à leurs perspectives individuelles futures qu’avant le confinement, sans toutefois que cela n’influe fortement sur l’appréciation de la situation des prochaines générations, qui reste assez pessimiste.

Parmi les dimensions les plus nettement liées au confinement, la satisfaction à l’égard du travail, des temps de vie ou du temps libre est elle aussi en hausse. L’opinion quant aux relations avec les proches est également plus positive qu’avant le confinement, sauf pour les plus de 65 ans, qui ont probablement davantage souffert de l’isolement.

Auteur

Mathieu Perona, directeur exécutif de l’Observatoire du Bien-être du Cepremap

Tableau de bord

Alors que notre précédent tableau de bord1 donnait une photographie du bien-être juste avant le confinement, celui-ci, avec des données collectées entre fin mai et début juin, reflète le bien-être subjectif dans les semaines qui ont suivi la sortie du confinement.

Dimension   Moyenne de 0 à 10
Grandes dimensions   Juin 2019 Juin 2020
Satisfaction de vie 6,6 6,9
Sens de la vie 7,0 7,3
Bonheur 7,0 7,2
Anxiété et dépression* 2,0 1,8
Santé 6,7 7,1
Niveau de vie 6,5 6,9
Comparaison avec les autres Français 6,5 6,8
Perception de l’avenir      
Vie future (personnelle) 5,9 6,2
Prochaine génération France 4,1 4,2
Prochaine génération Europe 4,4 4,3
Proches et environnement      
Relations avec les proches 8,1 8,32
Gens sur qui compter 7,6 7,7
Sentiment de sécurité 7,2 7,5
Agression ressentie* 1,5 1,4
Travail et temps de vie      
Satisfaction au travail 7,0 7,4
Relations de travail 6,9 7,3
Équilibre des temps de vie 5,7 6,2
Temps libre 6,6 6,9

Tableau 1 : Tableau de bord. Les flèches indiquent les améliorations ou dégradations par rapport au même mois l’année précédente. Les flèches grises indiquent que la variation n’est pas significative au seuil de 5 %.
* Pour l’anxiété et l’agression, un score plus haut indique un niveau d’anxiété ou d’agression plus élevé

Plusieurs enquêtes ont montré un effet contrasté du confinement sur le bien-être subjectif des Français. Bien sûr, l’anxiété liée à l’épidémie dominait, et il n’a pas été facile de gérer l’enferment dans des surfaces parfois petites, avec éventuellement des enfants à qui il fallait assurer école et divertissement, tout en perdant l’accès aux lieux physiques de sociabilité. Pour autant, on observe aussi que la période a été pour certains l’occasion de revoir leurs priorités, leur rythme de vie, et de nouer des liens plus forts avec leurs proches.

En tout état de cause, le bien-être moyen déclaré par les Français dans l’immédiat après-confinement est particulièrement élevé (Tableau 1). Alors que le mois de juin 2019 était déjà un point assez positif dans notre historique, treize de nos dix-huit indicateurs sont en amélioration par rapport à leur valeur un an avant, et aucun en dégradation. Plusieurs de nos métriques-clef affichent d’ailleurs des moyennes supérieures aux plus hauts niveaux observés depuis le début de cette enquête, il y a quatre ans.

La vie retrouvée

La satisfaction dans la vie, qui constitue la principale synthèse de l’appréciation du bien-être subjectif, atteint ainsi une moyenne de 6,9 (Figure 1). Le précédent record, à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017, était juste inférieur à 6,7.

Figure 1

Par rapport au trimestre dernier, cette amélioration se lit tout au long de l’échelle des réponses. Sur notre échelle de 0 à 10, la part de toutes les réponses comprises entre 0 et 7 diminue, et ce sont les modalités 8, 9 et 10, associées à un haut niveau de satisfaction dans la vie, qui augmentent. Cette amélioration n’est ainsi pas un phénomène lié à un groupe particulier, mais traverse l’ensemble de la société. Elle est ainsi présente chez les deux sexes, même si elle est encore plus marquée chez les femmes, et dans tous les groupes de revenus, avec une accélération plus forte dans les classes moyennes.

De même, une proportion nettement plus importante des répondants a déclaré s’être sentie heureuse la veille du sondage (Figure 2). Cet indicateur partait d’un point bas en mars 2020.

Figure 2

Malgré les difficultés financières déjà ressenties par certains et l’annonce d’une crise économique majeure à venir, les ménages sont franchement optimistes quant à leur avenir individuel (Figure 3). Ici aussi, la moyenne observée début juin dépasse le plus haut niveau de notre historique, en juin 2017. Comme pour la satisfaction dans la vie, l’amélioration traverse la société, avec là aussi une plus forte progression dans les classes moyennes ou chez les jeunes.

Figure 3

Cet optimisme ne s’étend toutefois pas à l’échelle du collectif. L’indice synthétique de confiance des ménages de l’Insee rebondit certes en juin, mais reste en deçà de son niveau de longue période ou de ses niveaux en début d’année2. À plus long terme, l’appréciation des perspectives de la prochaine génération en France ne s’améliore pas significativement par rapport à l’année dernière (Figure 4). On enregistre certes un gain par rapport au trimestre précédent, lié à la poursuite de la réduction de l’écart entre hommes et femmes. Généralement plus pessimistes, et particulièrement sur l’ensemble de 2019, les femmes ont en juin une appréciation moyenne similaire à celle des hommes. La vision des perspectives pour le reste de l’Europe reste même au niveau déprimé qui était le sien depuis fin 2019.

Figure 4

Les périodes d’épidémie peuvent conduire à réévaluer notre opinion sur notre état de santé3. Cela semble être aussi le cas dans notre enquête. La part des personnes qui s’estiment en bonne ou très bonne santé (réponse supérieure ou égale à 7 sur une échelle de 0 à 10) était de 43 % en juin 2019, et de 51 % en juin 2020.

Une satisfaction à l’égard du travail en hausse

La satisfaction exprimée à l’égard du travail est elle aussi orientée très positivement (Figure 5). Celle concernant les relations de travail connaît une évolution similaire.

Figure 5

À l’égard du travail, les situations ont été contrastées : grosso modo, environ un tiers des personnes en emploi ont dû arrêter leur travail, soit du fait du chômage partiel, soit pour s’occuper des enfants, un autre tiers a continué à se rendre sur son lieu de travail habituel et un dernier tiers a travaillé à distance4. Début juin, au moment de l’enquête, le retour sur le lieu de travail habituel avait certes démarré, mais de manière progressive. Cette progression de la satisfaction vis-à-vis du travail, et surtout son parallélisme avec la satisfaction vis-à-vis des collègues de travail, suggère que la dimension sociale du travail compte beaucoup dans la satisfaction. En d’autres termes, on renoue avec plaisir les liens avec les collègues (certains, au moins).

Le trimestre dernier, nous avions relevé que l’amélioration sur le plan de l’équilibre des temps de vie et du temps libre procédait majoritairement des avis masculins, les femmes étant plus nuancées sur le temps disponible pour les proches, et négatives quant au temps de loisir. Pour beaucoup de ménages, le confinement a chamboulé la répartition des temps consacrés au travail ou à la vie domestique. Dans le cas des parents, plusieurs enquêtes (dont celle de l’Insee citée plus haut) ont montré que les femmes avaient assuré une grande part des charges domestiques, y compris concernant la scolarité des enfants. Au moment de l’enquête, le retour à l’école n’était que partiel, obligeant à poursuivre et à ajuster les adaptations du confinement.

Pour autant, les femmes de notre échantillon ont revu à la hausse leurs appréciations tant de l’équilibre des temps de vie que de leur temps libre (Figures 6 et 7). Sur le temps libre, cette progression annule la divergence que nous avions constatée le mois dernier.

Figure 6
Figure 7

Un renforcement du lien avec les proches

Juste avant le confinement la satisfaction vis-à-vis des relations avec les proches était bien orientée, ce que nous avions vu comme un signe plutôt positif.

Selon les configurations des ménages, le confinement a représenté une période d’isolement pour certains, ou au contraire une période où les membres des ménages se sont retrouvés en permanence au contact les uns des autres. Dans ce contexte, les ressentis positifs ont très nettement pris le pas sur l’irritation ou l’isolement. Notre indicateur de satisfaction quant aux relations avec les proches atteint lui aussi son point le plus élevé depuis le début de l’enquête. Cette amélioration touche toutes les classes de revenus et les femmes comme les hommes. En revanche, les plus de 65 ans en sont exclus, avec un niveau de satisfaction qui stagne (Figure 8).

Figure 8

Nous pensons donc que cette amélioration reflète un effet positif du confinement sur les relations entre conjoints qui travaillent et entre parents et enfants vivant ensemble.

Vers la rentrée

Les réactions aux élections présidentielles de 2017 et au mouvement des Gilets jaunes en 2018 nous ont montré que l’appréciation du bien-être subjectif était influencée par la conjoncture sociale, y compris dans des dimensions qui ne semblent pas directement liées aux événements en cours. Il est donc probable que l’amélioration des indicateurs que nous observons ici soit d’assez courte durée. Si une deuxième vague épidémique, toujours possible, ne survient pas dans l’intervalle, la rentrée marquera un retour plus prononcé à la normale, et probablement une image plus claire des difficultés économiques dues à la pandémie.

  1. Mathieu Perona, « Le Bien-être des Français – Mars 2020 », Note de l’Observatoire du Bien-être du CEPREMAP, no 2020‑05 (16 avril 2020).
  2. Insee, « En juin 2020, la confiance des ménages rebondit », Informations rapides, no 159 (26 juin 2020).
  3. Emanuele Ferragina et al., « Dans l’œil du cyclone. La société française après un mois de confinement » (Zenodo, 4 mai 2020).
  4. Valérie Albouy et Stéphane Legleye, « Conditions de vie pendant le confinement : des écarts selon le niveau de vie et la catégorie socioprofessionnelle », Insee Focus, no 197 (19 juin 2020).