Cette Newsletter est bien évidemment dominée par l’actualité liée à l’épidémie de COVID-19. Les travaux de l’Observatoire se placent en amont : d’une part, nous examinons la relation des Français à la science. Si celle-ci remporte toujours une adhésion large, les phénomènes de rejet auxquels nous avons pu assister par exemple au sujet du glyphosate ou des vaccins ne constituent pas un épiphénomène, mais reflètent la position d’une minorité défiante. Notre note de conjoncture, d’autre part, montre que le bien-être subjectif des Français était, quelques jour avant le confinement, encore peu affecté. Le confinement lui-même est donc probablement arrivé comme une surprise, sinon un choc.
Les études en cours sur les conséquences de l’épidémie sont extrêmement nombreuses : la sélection que nous présentons ici est nécessairement partielle.
Faites bien attention à vous !
Observatoire
Les Français et la science
En 2018, la France se découvrait le pays d’Europe le plus sceptique à l’égard des vaccins. À bien des égards, cette question a révélé la tension qui existe dans le pays entre une bonne image globale de la science et un niveau élevé de défiance dès qu’on touche à l’action publique. Alors que peu de Français se défient des conseils donnés par le personnel médical, les messages de santé publique sont reçus avec nettement plus de réserve dès lors qu’ils émanent du gouvernement – ce qui n’est évidemment pas sans conséquence sur la gestion de la situation de pandémie au moment de la rédaction de cette note. Les scientifiques dans leur ensemble sont également exposés à cette défiance. Si une très grande majorité des Français ont confiance dans les bonnes intentions de celles et ceux qui travaillent dans la recherche publique, ils sont près d’un tiers à ne pas leur faire confiance pour dire de manière transparente qui les finance.
Mathieu Perona, « Les Français et la science », Observatoire du Bien-être du Cepremap, n°2020-04, 15 Avril 2020
Le Bien-être des Français – Mars 2020
Réalisée début mars, notre enquête trimestrielle su le bien-être en France donne l’image d’une population encore peu inquiète des conséquences d’une épidémie qui ne semblait alors toucher que la Chine et l’Italie. Les répondants avaient alors une opinion plutôt positive de leur situation et de leurs perspectives individuelles. Leur opinion négative quant à l’avenir du pays dans son ensemble et leur moral au quotidien plutôt en berne ne faisaient que poursuivre un mouvement installé sur l’ensemble de l’année, qui devait donc probablement peu à l’épidémie.
Mathieu Perona, « Le Bien-être des Français – Mars 2020 », Observatoire du Bien-être du Cepremap, n°2020-05, 16 Avril 2020
Feeling good or feeling better?
Abstract: Can people remember correctly their past well-being? We study three national surveys of the British, German and French population, where more than 50,000 European citizens were asked questions about their current and past life satisfaction. We uncover systematic biases in recalled subjective well-being: on average, people tend to overstate the improvement in their well-being over time and to understate their past happiness. But this aggregate figure hides a deep asymmetry: while happy people recall the evolution of their life to be better than it was, unhappy ones tend to exaggerate its worsening. It thus seems that feeling happy today implies feeling better than yesterday. These results offer an explanation of why happy people are more optimistic, perceive risks to be lower and are more open to new experiences.
Alberto Prati, Claudia Senik. Feeling good or feeling better?. 2020. ⟨halshs-02545228⟩
When to release the lockdown:A wellbeing framework for analysing costs and benefits
Abstract: In choosing when to end the lockdown, policy-makers have to balance the impact of the decision upon incomes, unemployment, mental health, public confidence and many other factors, as well as (of course)upon the number of deaths from COVID-19. To facilitate the decision it is helpful to forecast each factor using a single metric. We use a sour metric the number of Wellbeing-Years resulting from each date of ending the lockdown. This new metric makes it possible to compare the impact of each factor in a way that is relevant to all public policy decisions.
Richard Layard, Andrew Clark, Jan-Emmanuel De Neve, Christian Krekel, Daisy Fancourt, Nancy Hey, Gus O’Donnell, “When to release the lockdown:A wellbeing framework for analysing costs and benefits”, CEPR Occasional paper, April 2020
Covid-19
Le cas britannique
Le 16 avril dernier, l’ONS britannique a publié un baromètre exceptionnel des conséquences du confinement sur le bien-être.
Naturellement, la très grande majorité des répondants déclarent se sentir inquiets à propos de l’épidémie, et la moitié indiquent des niveaux élevés d’anxiété. Ils ne sont toutefois que la moitié à dire que cela pèse sur leur bien-être, et moins d’un quart à estimer que le confinement affecte leurs finances.
Dans une perspective de déconfinement, l’horizon le plus souvent envisagé est le retour à une vie normale dans quatre à six mois – ce qui semble optimiste au regard des délais habituels de développement d’un vaccin. Dans l’intervalle, les Britanniques font face à la situation en accentuant les contacts à distance, en regardant les films, et, pour la moitié d’entre eux, en faisant quotidiennement de l’exercice à l’extérieur.
“Coronavirus and the social impacts on Great Britain: 16 April 2020”, Statistical Bulletin, ONS, 2020-04-16.
On peut consulter aussi les premiers résultats de la COVID-19 Social Study de la Nullfield Foundation.
Baromètre de la confiance politique
Le Baromètre de la confiance politique a conduit une vague spéciale afin de mesurer l’évolution des attitudes liées à la situation de pandémie.
Enquêtes en libre accès sur l’épidémie et le confinement
Depuis le début de l’épidémie, nous avons tous vu passer une multitude de projets de recherche et d’enquêtes. Nous relevons ici celles qui proposent de mettre leurs données en accès libre à des fins de recherche.
International Survey on Coronavirus
Comment les individus comprennent-ils la situation et quels comportements adoptent-ils ? Enquête en ligne, internationale, homologuée par l’IRB du MIT. https://covid19-survey.org/
Répertoire d’études
L’European Economic Association invite tous les chercheurs travaillant sur des projets en lien avec l’épidémie de Covid-19 à signaler ces projets sur son site, afin de mettre en contact et mutualiser les efforts entre chercheurs et équipes travaillant sur des sujets proches.
En France, P. Ardwidson (Santé Publique France) a réalisé un relevé au fil de l’eau des projets, que nous avons publié sous la forme d’un document partagé.
Lu sur le Web
John Bates Clark Medal 2020 : Melissa Dell
L’American Economic Association a décerné la John Bates Clark Medal 2020 à Melissa Dell pour ses travaux sur les effets à long terme des institutions sur le développement. Un exemple en est son « Persistent Effects of Peru’s Mining Mita » (Econometrica, 2011), mettant en évidence des différences de richesse et d’état de santé entre zones soumises à un régime de travail forcé et les régions voisines qui y échappaient. Cette contribution a largement contribué à diffuser l’usage de discontinuités spatiales ou temporelles pour expliquer des différences de trajectoires sur le long terme.
Smart-working: Work flexibility without constraints
Abstract: The outbreak of coronavirus has led to a huge increase in ‘smart working’ across the world, but little is known about the economic effects of this mode of working. This column uses an experiment with workers in a large, traditional company in the multi-utility sector in Italy to show that the introduction of smart working can have a positive effect on productivity, wellbeing and work-life balance. By removing the rigidity related to particular hours of work, it may contribute to reducing gender gaps in the labour market.
“Smart-working: Work flexibility without constraints”, VoxEU, Marta Angelici, Paola Profeta 28 March 2020
An outcome-wide analysis of bidirectional associations between changes in meaningfulness of life and health, emotional, behavioural, and social factors
Abstract: The sense that one is living a meaningful life is associated with positive health outcomes, but less is known about the role of changes in sense of meaning. This outcome-wide analysis investigated bidirectional associations between changes in ratings of doing worthwhile things in life and 32 factors in 6 domains of human function in 5,694 men and women (M = 66.65 years) from the English Longitudinal Study of Ageing. Participants rated the extent they felt that the things they did in life were worthwhile in 2012 and 2014. Analyses were adjusted for age, gender, education and social class, and were weighted for non-response. We found that health (e.g. few chronic diseases, no chronic pain), emotional wellbeing (e.g. few depressive symptoms, good sleep), greater physical activity, social factors (e.g. close relationships, friends, organizational membership, volunteering, cultural engagement), and economic factors (wealth, income), at baseline were associated with 2 year increases in worthwhile ratings. Conversely, increases in worthwhile ratings over 2 years were related to more favourable health, emotional, behavioural, and social changes between 2012 and 2016 independently of baseline levels. These bidirectional relationships highlight the importance of maintaining worthwhile activities at older ages.
Steptoe, A., Fancourt, D. An outcome-wide analysis of bidirectional associations between changes in meaningfulness of life and health, emotional, behavioural, and social factors. Sci Rep 10, 6463 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-63600-9
Crise du COVID-19 : quel impact sur le bien-être des Belges ?
Résumé : Au-delà des impacts économiques et sanitaires, la crise du covid-19 bouleverse la vie des Belges dans son ensemble. Une manière d’en prendre la mesure est de se pencher sur leur bien-être. Les travaux du BFP combinés aux résultats de premières enquêtes suggèrent que la crise aura un impact négatif important sur les principaux déterminants du bien-être comme la santé ou les relations sociales. Certains groupes sont particulièrement concernés : les femmes, les 16-49 ans, les personnes vivant seules (avec ou sans enfants), celles avec de faibles revenus, non diplômées du supérieur, en incapacité de travail ou au chômage. Cette crise va également accroître le nombre de personnes dans certains de ces groupes vulnérables. À partir de ces informations, le BFP estime que l’impact de la crise du covid-19 sur le bien-être moyen en Belgique est nettement plus important que lors de la crise économique et financière de 2008
Arnaud Joskin, Alain Henry , « Crise du COVID-19 : quel impact sur le bien-être des Belges ? », Bureau fédéral du plan, Avril 2020