Les Français et la science

Note
Observatoire du bien-ĂȘtre

En 2018, la France se dĂ©couvrait le pays d’Europe le plus sceptique Ă  l’égard des vaccins. À bien des Ă©gards, cette question a rĂ©vĂ©lĂ© la tension qui existe dans le pays entre une bonne image globale de la science et un niveau Ă©levĂ© de dĂ©fiance dĂšs qu’on touche Ă  l’action publique.

Alors que peu de Français se dĂ©fient des conseils donnĂ©s par le personnel mĂ©dical, les messages de santĂ© publique sont reçus avec nettement plus de rĂ©serve dĂšs lors qu’ils Ă©manent du gouvernement – ce qui n’est Ă©videmment pas sans consĂ©quence sur la gestion de la situation de pandĂ©mie au moment de la rĂ©daction de cette note.

Les scientifiques dans leur ensemble sont Ă©galement exposĂ©s Ă  cette dĂ©fiance. Si une trĂšs grande majoritĂ© des Français ont confiance dans les bonnes intentions de celles et ceux qui travaillent dans la recherche publique, ils sont prĂšs d’un tiers Ă  ne pas leur faire confiance pour dire de maniĂšre transparente qui les finance.

Auteur

Mathieu Perona, directeur exĂ©cutif de l’Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap

Il y a deux ans, une enquĂȘte internationale rĂ©alisĂ©e par l’institut Gallup pour le compte du Wellcome Trust britannique montrait que les Français Ă©taient, et de loin, les EuropĂ©ens les plus sceptiques quant Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  l’efficacitĂ© des vaccins. Cette controverse vaccinale, qui s’inscrit dans une lignĂ©e de polĂ©miques rĂ©centes Ă  la frontiĂšre entre les sciences et la santĂ© publique – ondes radio utilisĂ©es pour la tĂ©lĂ©phonie mobile, glyphosate – prend un relief particulier dans le contexte actuel d’épidĂ©mie de Covid-19. La virulence de ces dĂ©bats a partie liĂ©e, c’est en tout cas notre hypothĂšse, par le contexte de dĂ©fiance qui traverse la sociĂ©tĂ© française1.

Dans le domaine des sciences, cette mĂȘme comparaison internationale montre que si les Français ont plutĂŽt une image positive de la science, ils sont beaucoup plus rĂ©servĂ©s dĂšs lors qu’on ne parle plus de la science en gĂ©nĂ©ral, mais des scientifiques eux-mĂȘmes, ou des consĂ©quences de la science et de la technologie sur leur vie personnelle. Cette ambivalence face Ă  la science – qui, plus encore que dans d’autres pays, traverse l’ensemble de la sociĂ©tĂ© française – se conjugue avec une dĂ©fiance vis-Ă -vis du gouvernement, y compris lorsque celui-ci Ă©met des recommandations de santĂ© publique.

Le rapport des Français à la science

Le rapport des Français Ă  la science a fait l’objet de nombreuses enquĂȘtes ces derniĂšres annĂ©es. À titre d’exemple, le sujet a fait l’objet d’un sondage en 2018 par l’IFOP2 (pour le compte de l’entreprise BASF) et un autre en 2019 par Harris Interactive3, et a Ă©tĂ© plusieurs fois traitĂ© dans les mĂ©dias4.

L’enquĂȘte que nous mobilisons ici a Ă©tĂ© menĂ©e en 2018 par l’institut de sondage Gallup, Ă  la demande du Wellcome Trust. Ce dernier est une des plus grandes organisations caritatives mondiales dans le domaine de la recherche mĂ©dicale, et a voulu par ce sondage et le rapport associĂ© (Wellcome Global Monitor5) donner une vision mondiale du rapport Ă  la science. Ils proposent ainsi un Ă©chantillon trĂšs large – plus de 140 pays – et crucialement pour nous, posent non seulement des questions sur le rapport Ă  la science elle-mĂȘme, mais aussi Ă  ceux qui la font ainsi qu’aux institutions, y compris gouvernementales, qui interviennent dans le domaine de la recherche et de la santĂ© publique. En mars 2020, le Wellcome Trust a ouvertl’accĂšs Ă  l’ensemble des donnĂ©es de cette enquĂȘte dans le but d’aider les pays Ă  communiquer le plus efficacement possible dans le contexte de pandĂ©mie6.

Le cas des vaccins

Lors de sa publication en 2018, le rapport du Wellcome Trust avait mis en avant la place unique de la France en Europe dans son rap-port aux vaccins, avec de loin la plus forte proportion de personnes pensant que les vaccins ne sont pas sĂ»rs (Figure 1). La proportion de personnes dĂ©clarant que les vaccins ne sont pas du tout sĂ»rs7, 20 % en France, est pratiquement le double de celle des Pays-Bas, septiĂšme pays le plus sceptique. Si on y ajoute 18 % des rĂ©pondants français qui estiment que les vaccins ne sont « pas vraiment sĂ»rs Â», c’est pratiquement la moitiĂ© de la population adulte du pays de Pasteur qui n’a pas confiance dans la sĂ©curitĂ© sanitaire des vaccins.

Il n’est malheureusement pas possible d’interprĂ©ter cette dĂ©fiance comme le reflet d’une meilleure con-naissance par les Français des risques inhĂ©rents Ă  tout traitement mĂ©dical.

Figure 1
Questions Q25 et Q26.

En effet, une meilleure information quant aux consĂ©quences des vaccins devrait entraĂźner une proportion trĂšs faible de rĂ©ponses dĂ©fiantes quant Ă  leur efficacitĂ©. Or, sur ce point aussi, les Français sont les plus sceptiques en Europe, avec un rĂ©pondant sur dix niant totalement leur efficacitĂ©, et un autre Ă©mettant des doutes. Dans une perspective de santĂ© publique ce taux de dĂ©fiance est extrĂȘmement inquiĂ©tant. L’efficacitĂ© des vaccins repose en partie sur l’immunitĂ© de groupe, c’est-Ă -dire le fait que les personnes vaccinĂ©es, donc protĂ©gĂ©es, vont empĂȘcher la transmission de la maladie aux personnes qui pour des raisons spĂ©cifiques – chimiothĂ©rapie, immunodĂ©ficience, etc. – ne peuvent pas ĂȘtre vaccinĂ©es. Une adhĂ©sion et une participation large aux campagnes de vaccinations sont ainsi nĂ©cessaires pour qu’un vaccin soit efficace Ă  l’échelle de la population – ce qui va devenir crucial si la sortie durable de la situation de pandĂ©mie due au Covid-19 passe par un vaccin.

Figure 2
Questions Q25 et Sujective_Income

Au sein des sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes, la dĂ©fiance Ă  l’égard des vaccins apparaĂźt peu liĂ©e au niveau de revenu. En Allemagne et au Royaume-Uni, ce sont les plus pauvres qui sont les plus mĂ©fiants, alors qu’en Italie, c’est la moitiĂ© la plus fortunĂ©e de la population. En fait, c’est moins la richesse objective qui semble faire le terreau de la dĂ©fiance que l’impression subjective de ne pas arriver Ă  s’en sortir financiĂšrement – impression qui touche toutes les classes de revenus, dans des proportions Ă©videmment diffĂ©rentes (voir Annexe 2). On constate ainsi (Figure 2) que le niveau de dĂ©fiance Ă  l’égard des vaccins est en Italie ou en Allemagne double chez les personnes qui s’estiment en difficultĂ© financiĂšre par rapport aux autres rĂ©pondants. On observe un schĂ©ma similaire dans les autres pays d’Europe.

La France fait Ă  nouveau figure d’exception en la matiĂšre. Non seulement le niveau de dĂ©fiance est plus Ă©levĂ© que dans les autres pays, mais il est largement partagĂ© par toutes les classes de revenu, que celui-ci soit envisagĂ© de maniĂšre objective ou subjective. Il s’agit ici d’une dĂ©fiance spĂ©cifiquement française, qui doit peu au niveau social ou au niveau de formation – on sait qu’en France, diplĂŽme et revenu sont assez largement liĂ©s. Cette dĂ©fiance va donc reprĂ©senter un enjeu de la sortie de crise, avec le besoin pour la puissance publique de convaincre la population en gĂ©nĂ©ral, et pas seulement quelques publics ciblĂ©s.

EncadrĂ© 1 :
Science et technologie, une frontiĂšre variable

L’enquĂȘte du Wellcome Trust ne fait pas de diffĂ©rence marquĂ©e entre les progrĂšs de la science et de la technologie : elles envisagĂ©es comme deux manifestations d’un mĂȘme phĂ©nomĂšne, l’avancĂ©e des connaissances thĂ©oriques et appliquĂ©es. La France fait probablement une distinction plus forte entre ces deux domaines. La sociĂ©tĂ© française considĂšre de maniĂšre trĂšs diffĂ©rente le chercheur d’une part et l’ingĂ©nieur d’autre part, ce dernier disposant d’un avantage considĂ©rable en termes de considĂ©ration, de revenus et d’accĂšs aux postes de pouvoir. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays, comme l’Allemagne, oĂč le passage par le doctorat est fortement valorisĂ© pour l’accĂšs aux fonctions d’encadrement supĂ©rieur dans le secteur privĂ© comme dans le secteur public.

Du fait de son champ international, l’enquĂȘte cherche essentiellement Ă  savoir si les personnes considĂšrent que le soin des maladies relĂšve de la science ou des pratiques traditionnelles. Elle ne traite donc pas de la distinction entre la pratique de la mĂ©decine (mĂ©decine de ville) et la recherche mĂ©dicale telle qu’elle existe dans les systĂšmes de santĂ© des pays de l’OCDE.

Acteurs de la santé publique

Dans la perspective de santĂ© publique imposĂ©e par le contexte d’épidĂ©mie, la question de la confiance envers l’ensemble des acteurs de la santĂ© publique devient centrale. La France part d’une situation en tension, combinant un fort niveau de dĂ©fiance Ă  l’égard du gouvernement, Ă©metteur in fine de ces messages, et une forte confiance Ă  l’égard des soignantes et des soignants.

Confiance dans les soignantes et les soignants

La France fait partie des pays EuropĂ©ens oĂč le niveau de dĂ©fiance envers le personnel mĂ©dical est le plus faible (Figure 3). Seules 4 % des rĂ©pondants (soit moins d’une personne sur vingt) disent qu’elles ne font pas vraiment ou pas du tout confiance aux mĂ©decins, infirmiĂšres et infirmiers sur les questions de santĂ©. DĂ©jĂ  en premiĂšre ligne dans la lutte effective contre la maladie, ces derniers s’en trouvent doublement sollicitĂ©s pour porter les messages de prĂ©vention.

Figure 3
Question Q22

DĂ©fiance Ă  l’égard du gouvernement

Les Français font partie des EuropĂ©ens les plus dĂ©fiants Ă  l’égard de leur gouvernement – un rĂ©sultat qu’on retrouve rĂ©guliĂšrement dans les baromĂštres europĂ©ens. Or, la Figure 4 montre qu’au niveau europĂ©en, la confiance envers les messages de santĂ© publique Ă©mis par le gouvernement est essentiellement proportionnelle Ă  la confiance en gĂ©nĂ©ral envers le gouvernement. Les messages de santĂ© publique bĂ©nĂ©ficient d’un a priori favorable, puisque la part de dĂ©fiants Ă  leur Ă©gard n’est que la moitiĂ© de celle des personnes qui ne font pas confiance au gouvernement en gĂ©nĂ©ral. La France s’inscrit ici dans la relation d’ensemble. Le niveau Ă©levĂ© de dĂ©fiance Ă  l’égard des messages de santĂ© publique semble ainsi dĂ©couler essentiellement du niveau Ă©levĂ© de dĂ©fiance gĂ©nĂ©rale envers le gouvernement en France – en Europe occidentale, seuls les Grecs, Italiens et Espagnols affichaient en 2018 un niveau de dĂ©fiance plus Ă©levĂ© que celui des Français. Le gouvernement français est ainsi parti d’un dĂ©ficit de confiance, qui a pu freiner l’adhĂ©sion aux recommandations et mesures de santĂ© publique. Ajoutons que les journalistes, autres acteurs importants dans la transmission des informations, sont encore moins bien positionnĂ©s puisque la moitiĂ© des Français interrogĂ©s ne leur font pas confiance, la troisiĂšme plus forte proportion en Europe.

Figure 4
Questions Q11B et Q21

La diffĂ©rence entre la perception des messages gouvernementaux de santĂ© publique et celle des personnels soignants doit interroger, puisque les mĂ©decins en particulier occupent une place centrale dans les institutions de santĂ© publique en France. Par ailleurs, cet Ă©cart joue trĂšs probablement un rĂŽle dans la maniĂšre dont peut Ă©clater une controverse comme celle relative Ă  l’usage de la chloroquine, avec au centre une figure de mĂ©decin.

Un rapport ambivalent Ă  la science

De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, la science et les scientifiques occupent une place particuliĂšre dans les reprĂ©sentations de la sociĂ©tĂ© française et la construction de son histoire nationale. Des LumiĂšres Ă  Marie Curie, en passant par Pasteur, les grandes figures scientifiques apparaissent comme des personnalitĂ©s qui rassemblent au-delĂ  des clivages politiques. Pour autant, l’enquĂȘte du Wellcome Trust montre que les Français sont plus circonspects Ă  l’égard de la science que leurs voisins europĂ©ens – l’attitude face aux vaccins n’est ainsi pas un sujet isolĂ©, ou particuliĂšrement liĂ© Ă  sa dimension de santĂ© publique.

Dans leur majoritĂ©, les Français ont plutĂŽt une bonne opinion de la science, ou plutĂŽt de ce qu’elle leur apporte(Figure 5). Ils sont deux tiers Ă  ĂȘtre soit Enthousiastes – ils pensent que les progrĂšs scientifiques bĂ©nĂ©ficient Ă  la fois Ă  une majoritĂ© de Français et Ă  eux-mĂȘmes, soit Inclus – ils pensent que ces progrĂšs leur bĂ©nĂ©ficient personnellement, mais pas nĂ©cessairement Ă  la majoritĂ© du pays8. Cette confortable majoritĂ© met cependant la France en queue de peloton des pays d’Europe occidentale, devant seulement le Portugal et Chypre. En d’autres termes, la France se trouve sur ce point plus proche de pays dont le niveau de richesse et de technologie est infĂ©rieur au sien.

Figure 5
Question ViewOfScience

En miroir de ces chiffres, un quart des Français interrogĂ©s pensent que les progrĂšs scientifiques ne leur apportent rien personnellement (Figure 6). Cette rĂ©serve est trĂšs liĂ©e Ă  la perception de leur situation personnelle. On en voudra pour preuve que cette proportion monte Ă  40 % chez les personnes qui estiment ne pas s’en sortir avec leur niveau de revenu actuel. Élargir la focale pour envisager les consĂ©quences du mouvement des connaissances sur la prochaine gĂ©nĂ©ration fait diminuer la proportion d’opinions dĂ©favorables Ă  15 % des Français. Une part d’entre eux font ainsi la distinction entre un impact ressenti comme nĂ©gatif sur eux-mĂȘmes, mais positif Ă  une Ă©chelle de temps plus longue et une vision plus collective. Pour autant, cette proportion est une des plus Ă©levĂ©es en Europe, la France Ă©tant Ă  nouveau en compagnie des pays d’Europe de l’Est.

Figure 6
Questions Q17 et Q18

Le pessimisme des Français quant aux perspectives de la prochaine gĂ©nĂ©ration ne se limite certes pas aux consĂ©quences de l’avancĂ©e des sciences. Nous avons dĂ©jĂ  largement montrĂ© que les Français Ă©taient plus pessimistes que les autres EuropĂ©ens en ce qui concerne l’avenir de leur pays. Dans notre propre Tableau de bord, l’apprĂ©ciation que les Français font de l’avenir collectif est systĂ©matiquement plus nĂ©gative que celle qu’ils ont de leur propre avenir. Toutefois, les sujets qui touchent Ă  la science ont ceci de particulier que le pessimisme et la dĂ©fiance qui les entourent en France se rencontrent dans toutes les couches de la sociĂ©tĂ© française.

Un rapport aux scientifiques en demi-teinte

La recherche publique

Comme nous le notions en introduction, les Français ont massivement une bonne image des scientifiques. Quand on leur demande si les scientifiques de la recherche publique travaillent dans l’intention de bĂ©nĂ©ficier Ă  la sociĂ©tĂ© dans son ensemble, plus de 90 % des rĂ©pondants français rĂ©pondent par l’affirmative (Figure 7).

Il s’agit d’une proportion assez Ă©levĂ©e en Europe. En revanche, prĂšs de 30% des rĂ©pondants ne font pas vraiment ou pas du tout confiance Ă  ces mĂȘmes chercheurs pour ĂȘtre honnĂȘtes et transparents sur leurs sources de financement. Cette proportion place Ă  nouveau la France parmi les pays les plus dĂ©fiants. Les attaques qu’ont subi les scientifiques dans les dĂ©bats concernant les vaccins ou le glyphosate illustrent bien cette dĂ©fiance, et montrent qu’elle n’a rien d’anodin, puisque le soupçon de conflit d’intĂ©rĂȘt vient chez beaucoup entacher la confiance dans les rĂ©sultats scientifiques prĂ©sentĂ©s par la personne.

Figure 7
Questions Q14A et Q14B

Ici encore, la France occupe une position assez particuliĂšre. Dans la plupart des pays, la dĂ©fiance en ce qui concerne les intentions des scientifiques va de pair avec la dĂ©fiance envers leur transparence en matiĂšre de financement. La France est avec la Hongrie un des rares pays Ă  combiner la confiance dans la puretĂ© des intentions et la dĂ©fiance dans l’honnĂȘtetĂ© des scientifiques.

La recherche privée

Lorsqu’on passe du cĂŽtĂ© de la recherche privĂ©e, les Français se distinguent Ă  nouveau par un degrĂ© particuliĂšrement Ă©levĂ© de dĂ©fiance (Figure 8). Si on excepte la Hongrie, la France est le pays europĂ©en le plus dĂ©fiant envers les intentions des chercheurs travaillant dans le secteur privĂ©. Plus d’un tiers des rĂ©pondants pensent que les chercheurs du secteur privĂ© ne font pas leur travail dans l’intention de bĂ©nĂ©ficier Ă  la sociĂ©tĂ©. ParallĂšlement, c’est pratiquement un rĂ©pondant français sur deux qui estime ne pas faire confiance aux chercheurs privĂ©s pour ĂȘtre transparents Ă  l’égard de leurs financements – ce qui est paradoxal, puisque l’employeur est alors le plus souvent bien connu.

Figure 8
Questions Q15A et Q15B

Dans le contexte de l’épidĂ©mie, cette dĂ©fiance entraĂźne des difficultĂ©s spĂ©cifiques, puisque les laboratoires pharmaceutiques constituent un acteur important de la recherche et du dĂ©veloppement de nouveaux mĂ©dicaments. On peut Ă©galement penser que le stigmate attachĂ© Ă  la recherche privĂ©e freine les coopĂ©rations entre les secteurs public et privĂ©.

Conclusion

Ce rapide parcours statistique montre que la France est entrĂ©e dans l’épidĂ©mie avec un rapport ambivalent Ă  l’égard de la science, des scientifiques et de la santĂ© publique. Si la science et la technologie bĂ©nĂ©ficient d’une image globalement favorable, celle-ci est plus faible que dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale. Pour beaucoup, les sciences et techniques sont plus porteuses de menaces, pour l’emploi en particulier, que de perspectives d’avenir. Cette inquiĂ©tude est particuliĂšrement prononcĂ©e chez ceux qui estiment que leur revenu leur permet tout juste de faire face Ă  leurs besoins, un public qui s’est largement manifestĂ© dans le mouvement des Gilets jaunes.

Du cĂŽtĂ© des personnes et des institutions, les Français ont globalement confiance dans les intentions des chercheuses et chercheurs de la recherche publique, mais le sont nettement moins quand il s’agit de la transparence Ă  l’égard de leurs financements. ParallĂšlement, leur niveau de dĂ©fiance est Ă©levĂ© tant Ă  l’égard de la recherche privĂ© qu’à l’égard du gouvernement, y compris dans les messages de santĂ© publique. Nous sommes donc partis d’une situation initiale de forte dĂ©fiance, qui contribue probablement Ă  expliquer les comportements lors des premiĂšres semaines de l’épidĂ©mie. En revanche, le trĂšs haut niveau de confiance envers les soignantes et soignants Ă  certainement aidĂ© Ă  ce que les messages de prĂ©vention soient in fine entendus.

Bibliographie

Algan, Yann, Pierre Cahuc, et Daniel Cohen. La sociĂ©tĂ© de dĂ©fiance: comment le modĂšle social français s’autodĂ©truit. Paris, France: Éditions Rue d’Ulm, 2016.
http://www.cepremap.fr/publications/la-societe-de-defiance-comment-le-modele-social-francais-sautodetruit/

Fourquet, JĂ©rĂŽme, et Jean-Philippe Dubrulle. « La science vue par les Français Â». Paris: IFOP, 2 octobre 2018.
https://www.ifop.com/publication/la-science-vue-par-les-francais/

Harris Interactive. « La confiance des Français dans la science Â». Paris: Harris Interactive, 5 juillet 2019. https://harris-interactive.fr/opinion_polls/la-confiance-des-francais-dans-la-science

« Les Français et la Science Â». La tĂȘte au carrĂ©, 8 mai 2017.
https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-08-mai-2017

Wellcome Trust, et The Gallup Organization Ltd. « Wellcome Global Monitor 2018 Â». London: Wellcome Trust, 19 juin 2019.
https://wellcome.ac.uk/reports/wellcome-global-monitor/2018

———. « Wellcome Global Monitor, 2018, Data Colection SN: 8466 Â». UK Data Service, 2019.
http://doi.org/10.5255/UKDA-SN-8466-2

Annexe 1 : LibellĂ© des questions

Références et code des questions utilisées dans cette étude.

Indice de positionnement par rapport Ă  la science (ViewOfScience)
Indice de positionnement par rapport Ă  la science calculĂ© par le Wellcome Trust sur la base des rĂ©ponses aux questions : « En gĂ©nĂ©ral, pensez-vous que le travail des scientifiques profite Ă  la plupart, une partie ou quelques-uns des habitants de ce pays Â» et « En gĂ©nĂ©ral, pensez-vous que le travail des scientifiques profite aux personnes comme vous dans ce pays ? Â». Construction dĂ©taillĂ©e dans la Box 4.3 du Wellcome Global Monitor 2018, p. 83.

Q11B

« Ă€ quel point faites-vous confiance au gouvernement de votre pays ? Â». Beaucoup/Un peu/Pas beaucoup/Pas du tout/Refus

Q14A

« Ă€ quel point faites-vous confiance aux scientifiques qui travaillent dans les universitĂ©s de ce pays pour faire leur travail dans l’intention de bĂ©nĂ©ficier Ă  la population ? Â». Beaucoup/Un peu/Pas beaucoup/Pas du tout/Ne sait pas/Refus

Q14B

« Ă€ quel point faites-vous confiance aux scientifiques qui travaillent dans les universitĂ©s de ce pays pour ĂȘtre honnĂȘtes et transparents concernant l’origine des financements pour leurs travaux ? Â». Beaucoup/Un peu/Pas beaucoup/Pas du tout/Ne sait pas/Refus

Q15A

« Ă€ quel point faites-vous confiance aux scientifiques qui travaillent dans les entreprises de ce pays pour faire leur travail dans l’intention de bĂ©nĂ©ficier Ă  la population ? Â». Beaucoup/Un peu/Pas beaucoup/Pas du tout/Ne sait pas/Refus

Q15B

« Ă€ quel point faites-vous confiance aux scientifiques qui travaillent dans les entreprises de ce pays pour ĂȘtre honnĂȘtes et transparents concernant l’origine des financements pour leurs travaux ? Â». Beaucoup/Un peu/Pas beaucoup/Pas du tout/Ne sait pas/Refus

Q17

« En gĂ©nĂ©ral, pensez-vous que le travail des scientifiques profite aux personnes comme vous dans ce pays ? Â». Oui/Non/Ne sait pas/Refus

Q18

« En gĂ©nĂ©ral, pensez-vous que la science et la technologie vont contribuer Ă  amĂ©liorer la vie de la prochaine gĂ©nĂ©ration ? Â». Oui/Non/Ne sait pas/Refus

Q19

« Dans l’ensemble, pensez-vous que les sciences et les technologies vont augmenter ou rĂ©duire le nombre d’emplois prĂšs de chez vous au cours des cinq prochaines annĂ©es ? Â». Augmenter/Pas d’effet/Diminuer/Ne sait pas/Refus

Q21

« En gĂ©nĂ©ral, Ă  quel point faites-vous confiance aux informations concernant la mĂ©decine et la santĂ© provenant du gouvernement de ce pays ? Â». Beaucoup/Un peu/Pas beaucoup/Pas du tout/Ne sait pas/Refus

Q22

« En gĂ©nĂ©ral, Ă  quel point faites-vous confiance aux informations concernant la mĂ©decine et la santĂ© provenant du personnel mĂ©dical, comme les mĂ©decins et les infirmiers et infirmiĂšres de ce pays ? Â». Beaucoup/Un peu/Pas beaucoup/Pas du tout/Ne sait pas/Refus

Q25

« ĂŠtes-vous tout-Ă -fait d’accord, un peu d’accord, un peu en dĂ©saccord, pas du tout d’accord avec l’affirmation suivante : « Les vaccins sont sĂ»rs. Â» ? Â».

Q26

« ĂŠtes-vous tout-Ă -fait d’accord, un peu d’accord, un peu en dĂ©saccord, pas du tout d’accord avec l’affirmation suivante : « Les vaccins sont efficaces. Â» ? Â».

Subjective_Income

« Laquelle de ces phrases vous semble correspondre le mieux Ă  votre sentiment concernant le revenu actuel de votre mĂ©nage ?

  • Je vis confortablement avec mon revenu actuel
  • Je me dĂ©brouille avec mon revenu actuel
  • Je trouve difficile / trĂšs difficile de m’en sortir avec mon revenu actuel

Household_Income

Quintiles de revenu par personne dans le pays de la personne enquĂȘtĂ©e.

Annexe 2 : du revenu objectif Ă  l’adĂ©quation ressentie

L’enquĂȘte du Wellcome Trust n’indique pas le niveau absolu du revenu des rĂ©pondants, mais indique d’une part la place des rĂ©pondants dans l’échelle de revenus de leur pays, en cinq catĂ©gories (quintiles), et d’autre part le sentiment de ces mĂȘmes rĂ©pondants quant Ă  l’adĂ©quation des revenus Ă  leurs besoins.

Sur la Figure 9, les mĂ©nages sont classĂ©s selon leur quintile de revenu : en haut les 20 % des mĂ©nages les plus pauvres, puis les 20 % suivants, et ainsi de suite. On constate que la France et l’Italie ont des profils similaires, avec une part relativement Ă©levĂ©e de mĂ©nages qui disent de pas s’en sortir financiĂšrement (31 % pour l’Italie, 23 % pour la France), et une part non-nĂ©gligeable des classes moyennes et supĂ©rieures en termes de revenu qui expriment nĂ©anmoins des difficultĂ©s financiĂšres – dans une proportion double des Allemands Ă  partir du quintile mĂ©dian.

Figure 9
Questions Household_Income et Subjective_Income
  1. Algan, Yann, Pierre Cahuc, et Daniel Cohen. La sociĂ©tĂ© de dĂ©fiance: comment le modĂšle social français s’autodĂ©truit. Paris, France: Éditions Rue d’Ulm, 2016.
    https://www.cepremap.fr/publications/la-societe-de-defiance-comment-le-modele-social-francais-sautodetruit/
  2. Fourquet, JĂ©rĂŽme, et Jean-Philippe Dubrulle. « La science vue par les Français Â». Paris: IFOP, 2 octobre 2018.
    https://www.ifop.com/publication/la-science-vue-par-les-francais/
  3. Harris Interactive. « La confiance des Français dans la science Â». Paris: Harris Interactive, 5 juillet 2019. https://harris-interactive.fr/opinion_polls/la-confiance-des-francais-dans-la-science
  4. « Les Français et la Science Â». La tĂȘte au carrĂ©, 8 mai 2017.
    https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-08-mai-2017
  5. Wellcome Trust, et The Gallup Organization Ltd. « Wellcome Global Monitor 2018 Â». London: Wellcome Trust, 19 juin 2019.
    https://wellcome.ac.uk/reports/wellcome-global-monitor/2018
  6. Wellcome Trust et The Gallup Organization Ltd., « Wellcome Global Monitor, 2018, Data Colection SN: 8466 ».
  7. Les libellés complets des questions sont donnés en Annexe.
  8. Le détail de la construction de cet index est donné dans le Wellcome Global Monitor 2018, Box. 4.3, p. 83.