Lâemploi joue un rĂŽle important dans lâĂ©conomie et le tissu social. Dans quelle mesure le travail contribue-t-il Ă la satisfaction et au bien-ĂȘtre ? Cette radiographie montre les grandes lignes de cette relation, selon la situation familiale et le genre, et explique comment la situation dâemploi contribue aux disparitĂ©s de bien-ĂȘtre gĂ©ographique en France. En France, avec un taux de chĂŽmage de plus de 10% pour lâensemble de la population et de plus de 20% pour les jeunes, le rĂŽle de l’emploi pour le bien-ĂȘtre est important. Le travail est Ă la fois une source de revenu, et un vecteur de sociabilitĂ© et de sentiment dâutilitĂ© sociale. Pour mieux comprendre comment lâemploi est liĂ© au bien-ĂȘtre, nous nous appuyons dans cette Note bien-ĂȘtre sur lâenquĂȘte SRCV de 2013.
Auteur :
Laura Leker, assistante de recherche Ă lâObservatoire du Bien-ĂȘtre du CEPREMAP
Ătre au chĂŽmage est associĂ© Ă de faibles niveaux de satisfaction dans tous les domaines
Les personnes en emploi reportent de plus hauts niveaux de satisfaction que les chÎmeurs dans tous les domaines de la vie. Le différentiel est maximal pour la vie en général.
La moindre satisfaction des personnes qui sont au chÎmage ne se résume pas à une question de moindre revenu
En effet, Ă revenu Ă©gal, les chĂŽmeurs et les chĂŽmeuses dĂ©clarent des niveaux de satisfaction trĂšs infĂ©rieurs aux personnes en emploi (voir le graphique ci-dessous). La moindre satisfaction des personnes qui sont au chĂŽmage ne se rĂ©sume pas non plus Ă une question dâĂ©ducation : Ă diplĂŽme Ă©gal, les niveaux de satisfaction reportĂ©s par les chĂŽmeurs sont beaucoup plus bas que ceux reportĂ©s par les personnes en emploi.
Le diffĂ©rentiel de satisfaction entre personnes en emploi et chĂŽmeurs, malgrĂ© un revenu Ă©gal, peut venir dâun biais de sĂ©lection (les chĂŽmeurs peuvent avoir des caractĂ©ristiques inobservables qui font quâil est Ă la fois plus probable pour eux dâĂȘtre moins satisfaits, et dâĂȘtre au chĂŽmage), ou encore dâautres explications. Au-delĂ des revenus quâil apporte, le travail peut ĂȘtre vecteur de sociabilitĂ©, ou source de sentiment dâutilitĂ© sociale ou de rĂ©alisation de soi.
En contrĂŽlant pour un grand nombre de caractĂ©ristiques individuelles, comme le revenu du mĂ©nage, lâĂąge, lâĂ©ducation, et la structure familiale, lâassociation fortement nĂ©gative entre le chĂŽmage et la satisfaction de vie reste pour toutes les dimensions de vie (voir en Annexe les coefficients de la rĂ©gression).
Les catégories « au chÎmage » et « en emploi » masquent des différences en termes de précarité et de relation avec la satisfaction
Parmi les chĂŽmeurs, les moins satisfaits en moyenne sont les chĂŽmeurs « longue durĂ©e », câest-Ă -dire au chĂŽmage depuis plus dâun an. Ceux qui sont au chĂŽmage depuis moins dâun an se montrent moins insatisfaits, et ceux qui sont chĂŽmeurs « par pĂ©riodes », i.e. qui ont alternĂ© des pĂ©riodes dâemploi et de chĂŽmage au cours des 18 derniers mois, sont plus satisfaits en moyenne. Il est possible que les uns se sentent « coincĂ©s » dans la situation de chĂŽmeur, tandis que les autres pourraient considĂ©rer â du fait de leur expĂ©rience passĂ©e â le chĂŽmage comme une pĂ©riode transitoire.
Parmi les personnes en emploi, celles en emploi stable reportent de bien plus hauts niveaux de satisfaction que celles qui ont connu des phases de chĂŽmage au cours des 18 derniers mois. Et parmi celles-ci, les personnes qui sont Ă nouveau en emploi depuis plus de 6 mois sont les plus satisfaites. La moindre satisfaction des personnes qui ont connu une pĂ©riode de chĂŽmage peut ĂȘtre liĂ©e Ă la prĂ©caritĂ© de leur nouvel emploi, par rapport aux personnes nâayant pas connu de chĂŽmage, ou Ă la persistance dâinsatisfaction postĂ©rieure Ă une expĂ©rience nĂ©gative.
Par ailleurs, au sein des personnes en emploi, celles qui ont les contrats les plus stables sont celles qui reportent des niveaux de satisfaction plus hauts, Ă la fois pour la vie en gĂ©nĂ©ral et vis-Ă -vis du travail. Parmi les contrats prĂ©caires, on remarque que les intĂ©rimaires reportent des niveaux de satisfaction vis-Ă -vis du travail beaucoup plus bas que vis-Ă -vis de la vie en gĂ©nĂ©ral. Pour les emplois aidĂ©s, qui sont des contrats dâau moins 6 mois (contrats uniques dâinsertion CUI, contrats dâaccompagnement dans lâemploi CAE, contrats initiative emploi CIE), câest le contraire.

Le Nord : une région sinistrée avec le plus haut taux de chÎmage et de travailleurs découragés
Le fait dâĂȘtre au chĂŽmage est donc associĂ© Ă une satisfaction beaucoup plus faible. Le grand nombre de chĂŽmeurs dans la rĂ©gion du Nord pourrait expliquer le faible niveau de satisfaction moyen dans cette rĂ©gion â les habitants du Nord ont le plus faible niveau de satisfaction en France.

Mais est-ce que les gens du Nord sont moins satisfaits avec leur vie quelle que soit leur situation de vie, ou est-ce que la composition de la population et la surreprésentation de personnes sans emploi explique le faible niveau de satisfaction moyen du Nord ?
Au sein de chaque catĂ©gorie vis-Ă -vis de lâemploi, les habitants du Nord ne sont pas ceux qui reportent les plus bas niveaux de satisfaction (voir le graphique ci-dessous). Au contraire, les personnes en emploi de cette rĂ©gion reportent une satisfaction moyenne plutĂŽt haute par rapport aux autres rĂ©gions. Les Ă©tudiants, et mĂȘme les chĂŽmeurs reportent des niveaux de satisfaction dans la moyenne de lâensemble des rĂ©gions. En revanche, les personnes retraitĂ©es ou au foyer reportent des niveaux de satisfaction beaucoup plus bas dans le Nord que dans les autres rĂ©gions.
Le pourcentage des gens du Nord au chĂŽmage est haut (11,5%) mais bas beaucoup plus haut que la MĂ©diterranĂ©e (10,6%) ou lâIle de France (10%). Une possibilitĂ© est que beaucoup de personnes des catĂ©gories « au foyer » ou « retraitĂ©s » pourraient ĂȘtre en fait des travailleurs dĂ©couragĂ©s.

La composition de la population en Ăąge de travailler dans le Nord confirme cette hypothĂšse : les personnes au foyer (11,7%) sont beaucoup plus nombreuses que dans les autres rĂ©gions (le plus proche est a 7,7%), et les chĂŽmeurs sont Ă©galement plus nombreux. Un peu plus quâun tiers des personnes en Ăąge de travailler dans cette rĂ©gion ne sont pas en emploi, soit 6 Ă 11 points de pourcentage de plus que dans les autres rĂ©gions.

Il semble donc que le trÚs bas niveau de satisfaction reporté par les habitants du Nord est en partie dû à la composition de la population : les chÎmeurs et travailleurs découragés représentant une forte proportion de la population en ùge de travailler.